L'érodium de Manescau : une plante des Pyrénées achetée en Angleterre
Je me suis levée ce matin avec l'idée de parler un peu d'une plante que j'affectionne beaucoup : l'érodium de Manescau. Et j'ai ouvert mon PC. Sur la page d'accueil de facebook, Patrick Adam avait écrit "Je suis NICE". Cette expression, qui aurait été absolument incompréhensible il y a à peine deux ans, est devenue maintenant familière. "Je suis Nice", "Je suis Bruxelles", "Je suis Charlie" : il y a eu un attentat ! La terreur, que l'on croyait reléguée bien loin de nous de l'autre côté de la Méditerranée, là où ils "ont l'habitude", nous rattrape. Et nous en sommes stupéfaits.
A côté de cela, parler d'une petite fleur peut sembler bien dérisoire, et ça l'est. C'est pourtant ce que je vais faire.
Le voici. Une plante plutôt discrète mais fleurie tout l'été. Nous l'avons achetée dans une pépinière assez minable du "Peak District" où il n'y avait rien de bien intéressant. Mais je ne peux pas concevoir de rentrer d'Angleterre sans la moindre petite plante. Alors, j'ai acheté la seule dont le nom m'était inconnu : un érodium. Jamais entendu parler ! Ses fleurs, cependant, étaient très jolies et à mon retour, je l'ai plantée en bonne place dans le talus.
Oui, ses fleurs font penser à un géranium. Et effectivement, elle fait partie de géraniacées. Mais c'est un érodium, pas un géranium. Et c'est là que l'histoire commence...
Les géraniums, les pélargoniums (les "géraniums de balcons") et les érodiums ont tous les trois des noms qui dérivent du grec : "géranium" vient du mot qui signifie "grue", pélagornium de "cigogne" et érodium de "héron". Ces noms font référence à la forme de leurs fruits qui, parait-il, ressemblent aux becs de ces oiseaux. Je vous laisse en juger.
Ce ne sont pas les Grecs qui ont eu l'idée de ce nom mais bien les botanistes qui n'en sont pas à une près, histoire de compliquer les choses. Figurez-vous qu'il existe même un érodium ciconium soit érodium à bec de cigogne... Mais celle fois-ci ils ont pris du latin ! Il n'y a sans doute que moi que ça amuse.
Je ne vous ai pas encore dit le plus étonnant, une histoire que je n'aurais jamais imaginée en achetant mon érodium dans une pépinière poussiereuse en Angleterre : c'est une plante endémique des Pyrénées. C'est à dire qu'elle ne pousse que dans cette région. A l'état sauvage, bien entendu. Mais là où elle pousse, elle est considérée comme une peste par les fermiers car elle empêcherait le foin de sécher. Cela dit, maintenant, c'est une plante protégée.
Voilà une idée de prénom original ! Oui, c'est un homme. Un berger qui vivait au 19e siècle dans la vallée d'Ossau (Pyrénées). On devrait plutôt parler d'un "éleveur de moutons" mais berger ça fait mieux pour l'histoire... et il était aussi naturaliste et botaniste réputé. C'est lui qui, le premier, a collé et nommé dans son herbier le fameux Erodium qui, bien plus tard, s'est appelé Erodium Manescavii. Ce qui signifie : "érodium de Manescau". Mais pourquoi pas Erodium Gastonii ?
Je passe les détails que l'on peut lire en suivant ce
En gros, voici l'explication : Manescau, maire de Pau et ami du berger, lui a soufflé la vedette ! Rassurons-nous, il paraît qu'il n'avait pas de mauvaises intentions et Pierrine Gaston-Lacaze a quand même eu une plante à son nom : le grémil de Gaston.
Fin de l'histoire...
Jusqu'à présent, je n'ai pas trouvé d'endroit où il ne pousse pas ! Sans doute, l'ombre dense ne lui conviendrait-elle pas. Mais chez moi, il fleurit en plein soleil ou à mi-ombre, dans la terre caillouteuse, comme dans un sol plus frais et plus riche. Il passe l'hiver sans soucis mais par contre, il ne vit pas longtemps (trois ou quatre ans).
Ce n'est pas un problème puisqu'il se reproduit très facilement par semis, spontanés ou non. J'emploie exactement la même méthode que pour les géraniums (lien ici)
Voici le résultat d'un semis réalisé au printemps dernier et qu'il serait grand temps que je repique !
Le partage est une valeur du jardinage. Si cette plante vous intéresse et que vous voulez des graines, je peux vous en envoyer, il suffit de demander et d'attendre un peu car elles ne sont pas encore mûres. Si vous n'habitez pas trop loin, j'ai aussi quelques plans à donner. Il ne faut pas hésiter, c'est vraiment un plaisir pour moi, j'adore recevoir des gens qui aiment les plantes, qu'ils soient débutants ou experts. (Je précise que je reçois aussi avec plaisir des gens qui ne s'intéressent pas aux plantes, quand même !)
Voilà, j'arrête là. L'écriture a rempli son rôle "thérapeutique". Je ne pense pas que l'on doive étouffer ses émotions devant une horreur (encore une) comme celle d'aujourd'hui. Je ne pense pas non plus que l'on doive se distraire pour "ne pas y penser". Il faut y penser au contraire, mais avec raison, pour ne pas se laisser aller à la haine ou au désespoir. Et se demander, chacun à notre niveau, ce qui nous pouvons faire.
Si vous haussez les épaules en pensant : "Je ne vais pas changer le monde tout seul", vous avez raison mais je vous conseille quand même de regarder cette petite vidéo de Pierre Rabhi : elle dure une minute. (Et voici un lien vers un site plus complet ).