Comment l'hellébore oriental recycle ses fleurs
Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se passe quand une fleur fane ? La première idée qui vient à l'esprit c'est "ben elle meurt, elle tombe et voilà". Le philosophe ajoutera sans doute "la nature gaspille beaucoup" ou quelque chose dans le genre. Eh bien, pas du tout ! Quand elle a fini de jouer son rôle, c'est à dire attirer les insectes et se faire féconder, la fleur est recyclée : les grosses molécules qui la composent (vous savez, les graisses, les sucres et les protéines) sont découpées en petits bouts et sont transportés vers d'autres organes de la plante qui en ont besoin.
Dans la nature, quand une fleur fane, la plante récupère une bonne partie de ses matériaux et les réutilise. A la fin, il ne reste plus grand-chose.
Ça, c'est ce qui se passe dans une fleur "normale".
Mais l'hellébore le joue encore plus finement. Avant d'aller plus loin, je vous propose de regarder une fleur d’hellébore (oriental) de plus près :
D'abord, il faut bien comprendre que ce qu'on prend pour des pétales, ce sont en réalité des sépales.
On le voit bien sur certaines variétés : avant de s'ouvrir et de changer de couleur, les sépales sont encore verts... comme des sépales normaux, quoi !
Mais où sont passés les pétales alors ? Eh bien, les voici :
Les pétales sont tout à fait transformés : ils sont devenus de petites coupes remplies de nectar.
Notez au passage, que sur les variétés dites "doubles", les pétales... ont repris leur forme de pétales. Il n'y a donc plus de nectar dans les fleurs doubles.
Au centre de tout ça, c'est plus classique : des étamines entourant le pistil.
Bon, une fois que c'est fait (la pollinisation), plus besoin d'attirer les insectes, n'est-ce pas ? la fleur n'est plus nécessaire : on pourrait s'attendre à ce qu'elle flétrisse et qu'elle tombe ! Eh bien non !
Certes, elle se débarrasse des étamines et des pétales transformés en nectaires qui ne servent plus à rien.
Quand le pistil est fécondé, toutes les pièces florales devenues inutiles fanent et tombent. Plus d'étamines, plus de pétales transformés en nectaires.
Et c'est là le génie de l’hellébore : la fleur, au lieu de faner, reste bien droite sur sa tige. Plus fort encore : la tige s'allonge et la fleur se redresse. Mais l'évènement le plus remarquable, c'est que la fleur devient verte.
Aux quatre moineaux, cette hellébore crème tachetée de pourpre est en train de devenir verte. Remarquez les carpelles, contenant les graines : ils ont bien grossi et ce n'est pas fini.
Chacun de nous l'a déjà observé mais qui s'est interrogé à ce sujet ? Waseem Shahri et son équipe de l'Université du Cachemire se sont penchés sur la question. Il faut dire qu'ils étudient la sénescence (vieillesse et mort) des plantes. C'était dans leurs cordes.
Pour faire simple : au lieu de mourir bêtement, la fleur d'hellébore continue à travailler pour la plante en faisant la photosynthèse.
Pour ceux que ça intéresse, ce sont les leucoplastes (des petits réservoirs contenant toutes sortes de choses qui incolores) qui se transforment en chloroplastes (petits réservoirs contenant de la chlorophylle : ils sont donc verts).
En redressant la tête et en devenant verte, la fleur d'hellébore se transforme en une petite usine produisant des matières organiques. Ces matières organiques serviraient essentiellement à "nourrir" les graines en train de se former dans le fruit. Et ça, les autres plantes ne le font pas !
Mais la fleur d'hellébore, si elle a une durée de vie inhabituellement longue n'est pas éternelle. Et un jour, quand les graines seront mûres, enfin, la fleur mourra et tombera.
Ce n'est pas encore arrivé aux quatre moineaux cette année, alors je n'ai pas de photo de ce triste instant.
Petite remarque : les Helleborus orientalis de toutes les couleurs de nos jardins, sont issues de croisements entre différentes sous-espèces et de mutations apparues spontanément.
Sources :
Waseem Shahri; Inayatullah Tahir; Sheikh Tajamul Islam; Mushtaq Ahmad Bhat (2011). Physiological and biochemical changes associated with flower development and senescence in so far unexploredHelleborus orientalisLam. cv. Olympicus. , 17(1), 33–39. doi:10.1007/s12298-010-0045-3 - https://sci-hub.voed.top/10.1007/s12298-010-0045-3
oung and Old: Hellebores. Ann Mackay: Inspired by Nature.