Les fleurs de Matera

Publié le par Annick Boidron

Il y a un an, ni Alain ni moi n'avions entendu parler de Matera. C'est en regardant le dernier James Bond que nous avons été séduits : nous avons décidé d'aller y faire un tour. Je ne vais pas jouer au guide touristique, mais franchement, c'est une ville qui vaut le coup d’œil... et le coup de fourchette.

Pour vous faire une idée, voici une photo :

Le site n'est pas mal, n'est-ce pas ?

Le site n'est pas mal, n'est-ce pas ?

A première vue, tout est minéral : les habitations sont creusées directement dans la roche. Si ça ne ressemble pas à une ville troglodyte, c'est parce que les pierres enlevées pour creuser les pièces ont servi à construire une chambre supplémentaire à l'avant. C'est remarquable : la rue du niveau supérieur est constituée par les toits des maisons situées en dessous.

Les fleurs de Matera

Mais que viennent faire ces informations touristiques dans un blog de jardinage, me direz-vous ? Je vais faire deux articles : celui-ci sera consacré aux plantes qui arrivent à pousser dans cet univers aride (et que l'on retrouve parfois dans nos jardins) et un second sur quelques légumes un peu particuliers que l'ai eu l'occasion de goûter là-bas et... que je viens de semer.

Au bord du ravin

Un ravin, nommé "Gravina" entoure la vieille ville de Matera sur deux côtés. Toutes sortes de plantes y poussent : certaines indigènes, d'autres sans doute échappée des jardins. Ma préférée : la férule

Les fleurs de Matera

J'adore cette plante extrêmement graphique : sa tige contient une moelle qui a la propriété de se consumer sans que l'écorce (si on peut dire) soit attaquée. Autrefois les peuples nomades s'en servaient transporter le feu d'un endroit à un autre. Ce serait même dans un bâton de férule que Prométhée aurait apporté le feu aux Hommes. On n'est pas obligé d'y croire.

Les petits escargots l'aiment aussi beaucoup

Les petits escargots l'aiment aussi beaucoup

D'autres plantes plus exotiques poussent sur ces rochers inaccessibles. Je me trompe peut-être mais il me semble qu'ici, c'est une touffe de Kniphofia. L'accord des couleurs avec le rose de la valériane (Centranthus ruber) et le jaune du Bouillon blanc n'est peut-être pas des plus réussis.

Les fleurs de Matera

Certaines, considérées comme envahissantes, ont trouvé dans cet environnement rocheux un terrain qui leur convient bien... et où il est impossible de venir les embêter. Ce sont des agaves et des figuiers de barbarie.

Les fleurs de Matera

Dans les ruelles

Dans la vieille ville (les Sassi), à l'exception de la route qui longe le ravin, il n'y a quasiment que des ruelles et des escaliers.

Les fleurs de Matera

Malgré le manque de place, les habitants essayent de faire pousser des plantes comme ils peuvent, parfois avec les moyens du bord et quelques idées.

Les fleurs de Matera

Parfois, il est nécessaire de rappeler les touristes aux convenances.

Ceci est une jardinière, pas une poubelle.

Ceci est une jardinière, pas une poubelle.

Mais à côté des plantations volontaires, on trouve toutes sortes de plantes qui ont réussi à trouver une fissure ou un toit abandonné accueillants.

La preuve en images que les figuiers n'ont pas besoin d'une terre riche pour se développer.

La preuve en images que les figuiers n'ont pas besoin d'une terre riche pour se développer.

Sur les toits, c'est toute une végétation qui a trouvé sa place. Encore des férules

Les fleurs de Matera

Un peu partout, les résédas embaument.

Les fleurs de Matera

Sur le rocher de l'église Sainte idris

Dans ce rocher, qui semble émerger de la ville, les hommes ont creusé deux églises.

Les fleurs de Matera

En partant de l'église, on peut se balader à flanc de rocher. Comme dans tous les endroits difficiles d'accès, on y trouve toutes sortes de fleurs (que personne ne remarque) et notamment des ornithogales.

Les fleurs de Matera

Moins sophistiquée, cette vipérine dont j'ignore l'espèce est très commune sur les rochers. Je la trouve très belle.

Les fleurs de Matera

Dans la réserve naturelle de la Murgia

De l'autre côté du ravin, sur le plateau, c'est la réserve naturelle de la Murgia. On y trouve, parait-il (je ne les ai pas comptées) plus de 150 églises... creusées dans la roche. On y accède en principe par un pont suspendu. Mais comme le chemin s'est dégradé, la commune a décidé d'en barrer l'accès. Résultat : soit on prend un guide qui nous conduit en voiture, soit on escalade la barrière et on traverse à ses risques et périls. Nous avons pris un guide.

Le fameux pont "Tibétain", en principe fermé et interdit.

Le fameux pont "Tibétain", en principe fermé et interdit.

Bon, ça valait la peine. Non seulement les églises sont très intéressantes mais en plus la nature est très belle et le point de vue sur Matéra époustouflant.

Les fleurs de Matera

C'était tout de même une visite "au pas de charge" et j'aurais bien voulu m'attarder avec mon "Plantnet" devant chaque petite fleur. J'ai tout de même réussi à prendre quelques photos, quitte à courir ensuite pour rattraper Alain et le guide qui traçaient.

Je vous en montre quelques-unes :

Est-ce que ce sont des "Chardons-MarIe" ? J'aI bIen l'impressIon.
Est-ce que ce sont des "Chardons-MarIe" ? J'aI bIen l'impressIon.

Est-ce que ce sont des "Chardons-MarIe" ? J'aI bIen l'impressIon.

Celle-ci, selon Plantnet est Onosma pseudoarenaria. Jolie, non ?

Celle-ci, selon Plantnet est Onosma pseudoarenaria. Jolie, non ?

Les Asphogèles (Asphodeline lutea) poussent dans les hautes herbes

Les Asphogèles (Asphodeline lutea) poussent dans les hautes herbes

La prairie, encore verte en cette saison, est constellée d'orchidées sauvages.

Les fleurs de Matera

Mais le plus sublime, selon moi, ce sont ces vagues d'une graminée qui ressemble au Stipa barbata que l'on trouve dans nos jardins.

Les nappes de stipas ont le chic pour mettre en valeur n'importe quel paysage. Alors, quand c'est la cathédrale de Matéra, c'est l'apothéose.

Les nappes de stipas ont le chic pour mettre en valeur n'importe quel paysage. Alors, quand c'est la cathédrale de Matéra, c'est l'apothéose.

Je vous laisse là-dessus. Comme vous avez sans doute pu vous en rendre compte, le soleil ne régnait pas dans le Sud de l’Italie (mais rien de comparable au Nord qui a connu des inondations meurtrières). Eh bien, croyez-le ou pas, même sous la pluie cette ville à un charme fou.

 

Moi, j'en ai peut-être un peu moins. Mais il faut dire que plusieurs couches de polar et un gros appareil photo sous la veste, ça ne flatte pas la silhouette.

Moi, j'en ai peut-être un peu moins. Mais il faut dire que plusieurs couches de polar et un gros appareil photo sous la veste, ça ne flatte pas la silhouette.

Voici quelques informations supplémentaires si le sujet vous interesse

Pour en savoir plus sur l'histoire de Matera : https://anabf.org/pierredangle/magazine/matera-de-honte-nationale-en-1948-a-capitale-europeenne-de-la-culture-2019

Si vous voulez vous y rendre : nous avons pris l'avion jusqu'à l'aéroport de Bari puis une heure de bus jusqu'à Matera (Nous avions d'abord pensé à louer une voiture, mais c'est compliqué de se garer à Matera).

Nous avons passé une semaine sur place : deux ou trois jours suffiraient pour se faire une idée de l'endroit, mais cela nous a permis de (presque) tout visiter et de mieux comprendre la vie dans cette ville hors du commun, autrefois et aujourd'hui.

Matéra a servi de décor à de nombreux films. Cet article en passe quelques-uns en revue : Ouest-France

Et si vous voulez des tuyaux, idées de visites ou autres informations pratiques, n'hésitez  pas à demander.

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G
Bonjour, je découvre votre blog à l'occasion d'une recherche concernant les lentilles d'eau, qui envahissent ma mare. Je ne suis pas souvent séduite par les articles divers que l'on trouve sur le net, mais là, franchement, je me régale et je crois que je n'ai pas fini de vous lire... lorsque ma prairie et mon petit bois me laisseront un peu de temps, car moi aussi, je m'émerveille de ce que j'observe et que je réhabilite... A bientôt donc, et merci pour ce journal riche et varié. GHYS.
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J
C'est superbe ! Je ne me souviens pas du film tourné à cet endroit, en revanche il me semble que le collectif Storror y avait tourner une vidéo de parkour.
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C
Merci pour la découverte de cette ville à travers l’œil de la botaniste-jardinière ! J'aime ce concept ! Je vois aussi que je ne suis pas la seule à choisir mes destinations en fonction de critères un peu surprenants (vous c'est un film, moi c'est plutôt des chansons... c'est ainsi que je me retrouve au Connemara ou au Lac Majeur ^^ )
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R
Quel joli coin. Effectivement un petit paradis. Je me réjouis de lire la suite
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M
merci beaucoup pour ce sympathique reportage historique et botanique !<br /> il nous donne très envie d'aller visiter cette extraordinaire ville !<br /> mélise
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A
c'est drôle de savoir que cette ville a été la honte de l'Italie ds les années 40 et que maintenant grâce au cinema elle est devenue un centre international de la culture
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A
Oui, en effet. Mais c'est un peu moins drôle pour les habitants de l'époque qui ont été chassés contre leur gré de leur habitation. Les nouveaux logements ne leur convenant pas, la plupart ont émigré. Aujourd'hui, heureusement, les Sassis se repeuplent et c'est une bonne chose cependant, pour pouvoir y habiter (concours organisé par la ville) , il faut s'engager à restaurer son logement et ce n'est pas à la portée de tous, surtout que ce sont tout simplement des cavités dans la roche.
M
Merci beaucoup pour cette belle promenade. Surprenant village.
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A
Merci à vous aussi pour le commentaire
C
un chouette voyage! c'est une ville magnifique, et tu as su trouver des petites fleurs et plantes anonymes que tu as sublimé!<br /> merci pour les photos😍<br /> bon mardi bises<br /> @catherinecoteterres<br /> <br /> PS en effet, il a l'air de faire frisquet et mouillé, et tu es rigolote😉
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A
Oui, c'est une ville comme je n'en avais jamais vu. Son malheur (l'expulsion des habitants et la fermeture des maisons) a fait sa richesse aujourd'hui, mais à quel prix pour les habitants
J
lire le livre de Primo Lévi et regarder le film :Christ s'est arrété a Eboli et vous saurez comment ont vécu les habitants de ces lieux et juger le contraste avec ce qui en a été fait aujourd'hui
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J
Oups!j'ai confondu Primo et Carlo tous deux écrivains Primo déporté a Auschwitz et Carlo déporté a Matera
A
Avec un "s" à héros, sorry
A
Carlo Levi est un héro dans cette ville : on voit sa statue partout, il occupe tout une partie du musée d'art et on y fait référence à tout bout de champ. De nombreuses reconstitutions, films et témoignages permettent de se rendre compte de la situation des habitants dans ce quartiers jusque dans les années 50... à l'exception de quelques riches "notables" qui habitaient dans les grosse demeures du haut de la ville. de grandes injustices sociales qui n'ont pas encore vraiment disparu aujourd'hui.