La Vanesse ou Belle Dame : la championne des papillons !
Dimanche, il y avait une belle dame dans le jardin. Je ne parle pas de moi, ma modestie en souffrirait. Il s'agit d'un papillon, également appelé Vanesse. Je vous laisse apprécier sa beauté, mais je trouve qu'elle mérite bien son nom. La "mienne" a déjà quelques heures de vol au compteur si on en juge par l'usure de ses ailes.
Pour l'anecdote, les Anglais l'appellent "Painted Lady", ce qui est beaucoup moins romantique et ferait plutôt penser à une "belle" qui a un peu forcé sur le maquillage. C'est une interprétation toute personnelle.
Ce n'est pas un papillon rare, loin de là ! Mais vous allez voir que cette belle dame cumule tous les records.
Il y en a partout, sauf en Antarctique (on la comprend !) et en Amérique du Sud. Une sorte d'IKEA version papillon.
Mais ce n'est pas tout, loin de là.
Comme le vulcain ou le moro-sphinx, la Vanesse ou Belle Dame, arrive chez nous au printemps et disparaît à la fin de l'été. Autrefois, on pensait que l'adulte mourait à l'automne et qu'elle passait l'hiver sous forme d'œufs. Mais l'absence de chenilles en début de saison et l'arrivée d'adultes soudainement et parfois en grand nombre, ont permis à nos ancêtres de comprendre que ce papillon, comme les hirondelles, allait passer l'hiver sous des cieux plus cléments.
Et c'est bien le cas, nos Vanesses sont en Afrique quand l'hiver sévit chez nous.
Problème : cela peut représenter une distance de 14.000 km aller-retour ! Comment imaginer qu'une si petite bête puisse parcourir une telle distance ?
On le sait depuis peu : elles font ça sur plusieurs générations, et se font transporter par le vent.
Les rudbeckias de Monique sont convoités par bien d'autres insectes. Restera-t-il un peu de place pour le syrphe
En migration, les vanesses peuvent voler jusqu'à 1000 m d'altitude : pas étonnant qu'on ne les voie pas passer. Quel est l'intérêt de voler aussi haut ? Cela permet de se laisser porter par les vents lorsque ceux-ci se dirigent dans la bonne direction.
II existe aujourd'hui des radars super-sophistiqués qui permettent de détecter des insectes à haute altitude. Grâce à eux et à tout un réseau d'observateurs bénévoles, on en sait maintenant un peu plus mais il reste encore beaucoup d'inconnues.
Voici donc ce qui pourrait arriver à MA vanesse : d'ici peu, il va être temps pour elle de partir vers le Sud. Prendra-t-elle le temps de se reposer en route ? Je n'ai pas trouvé l'information. Mais il parait qu'elle pourrait parcourir plus de 200 km en une seule journée à une vitesse de 45 km par heure, vent d'altitude aidant. Si le courant d'air ne va pas exactement dans la bonne direction, ma petite vanesse est capable de corriger le tir.
Peut-être alors s'arrêtera-t-elle, comme une partie de ses congénères, dans le bassin méditerranéen. Ce sera la fin de sa courte vie : elle pondra et lorsque ses chenilles se seront métamorphosées, c'est elles qui prendront la relève et s'envoleront jusqu'au Sahel.
Et au Sahel, rebelote : une troisième génération naîtra aux confins du Sahara.
Pour être tout à fait complète, j'ai cru comprendre que quelquefois, le voyage pouvait se faire d'une traite de chez nous jusqu'au Sud du Sahara. C'est sans doute un exploit réservé aux plus musclées.
La grand-mère part de chez nous et ses petits enfants naissent au Sahel.
Une belle vidéo dans laquelle des Belles Dames émergent de leur chrysalide (je précise que je n'en suis pas l'auteure)
Mais les Vanesses ne restent pas au Sahel, où il fait vite très sec, comme chacun sait. Elles vont continuer à se promener et, sans doute, à descendre encore plus au Sud pour certaines. Eventuellement, elles auront encore le temps de se reproduire une fois ou deux. Mais ça c'est plus flou, il parait que les observations sont en cours.
A un moment donné, quand on arrive vers la fin de l'hiver chez nous, c'est reparti dans l'autre sens : les vanesses remontent vers le Nord. Pas d'une traite non plus : il y a des arrêts "reproduction" en route. Au début du printemps, elles seront dans le bassin méditerranéen où naîtra, peut-être, la petite vanesse qui butinera dans mon jardin en juin 2017.
Peut-être que la vanesse qui butinera mes scabieuses en 2017 sera une descendante de celle-ci, photographié en juin 2016
La vanesse se reproduira encore deux ou trois fois au cours de l'été avant que la nouvelle génération ne reparte à nouveau dans l'autre sens : vers le Sud, cette fois.
Bien obligée quand on vit dans tellement d'endroits différents. Si, comme beaucoup d'autres papillons, la Vanesse était liée à un type de plante pour se nourrir et se reproduire, elle ne tiendrait pas le coup très longtemps. Alors elle mange un peu de tout, la brave bête. D'après son nom (Cardui veut dire chardon), elle aurait pourtant une prédilection pour les chardons.
Voilà, j'ai fini. Au début, je voulais juste montrer quelques photos de cette belle dame pour compléter mon article sur les papillons du jardin en septembre. Et puis j'ai commencé à lire un peu... puis beaucoup. Que la nature est passionnante ! (voilà la remarque originale du siècle). Comment ces insectes "au cerveau de la taille d'une tête d'épingle" savent-ils qu'il doivent aller vers le Nord ou vers le Sud, qu'il est temps de partir... il reste encore bien des mystères et c'est tant mieux !
Si vous aussi, vous voulez en savoir plus, vous pouvez trouver le compte rendu d'une des études les plus récentes (et complètes) sur le sujet ici :
2013) In Ecography 36(4). p.474-486 (
(une version pdf du "postprint" de l'article se trouve ici , ce n'est peut-être pas exactement l'article tel qu'il a été publié mais c'est gratuit !)