Quand les fourmis sèment des fleurs
Un jour, vous plantez une petite primevère de grand-mère dans votre jardin et l'année suivante, il y a des petites primevères un mètre ou deux plus loin. Et puis 10 ans plus tard, vous vous rendez compte que des primevères de toutes les couleurs poussent un peu partout. Comment ça se fait ?
Les graines ont-elles été emportées par le vent comme celles du pissenlit ? Se sont-elles accrochées aux poils du chat comme les graterons ? Peut-être ont-elles été éjectées au loin, comme le font les géraniums ?
Rien de tout cela, ce sont les fourmis qui les ont transportées jusque-là.
Vous vous doutez bien qu'elles ne s'amusent pas à porter des graines parfois plus grosses qu'elles juste pour le plaisir. En fait, elles y trouvent leur compte : sur les graines de certaines espèces de plantes, se trouve une sorte de "bonbon pour fourmis". C'est une petite excroissance composée de substances très nutritives. Les botanistes ont décidé d'appeler ça un élaïosome. Ne me demandez pas comment ça se prononce !
Les petits appendices clairs sur ces graines de jeffersonia sont extrêmement attractifs pour les fourmis.
Une fois dans la fourmilière, les élaïosomes sont consommés et la graine, qui n'intéresse pas les fourmis, est le plus souvent rejetée à l'extérieur, avec les autres déchets, dans leur dépotoir. Ceci explique pourquoi de nouvelles plantes apparaissent fréquemment près des endroits où les fourmis aiment construire leurs nids : sous les pierres, dans des murets, etc...
On retrouve souvent les espèces dont les graines portent des élaïosomes à proximité des murets ou du bois mort : là où les fourmis aiment installer leur nid.
Remarquez, c'est un "truc" assez répandu chez les plantes : les ficaires, les pulmonaires, les violettes, les crocus, les Erythronium, les perce-neige, les chélidoines, les centaurées, les dicentras, la claytone de Cuba et même... le ricin ont des graines à élaïosomes .
Si nous retrouvons des violettes un peu partout, c'est parce que les fourmis emportent leurs graines dans leur nid pour manger les élaïosomes.
Bien-sûr, cet "arrangement" entre les fourmis et les plantes n'a pas pour objectif d'aider le jardinier à fleurir ses parterres. Elle est apparue progressivement au fil de l'évolution, chaque partie y trouvant son intérêt : une source de nourriture pour les fourmis et la dispersion des leurs graines pour les plantes. Il est possible également que les graines conservées à l’intérieur des nids soient ainsi protégées des incendies et des granivores. Les "déchets" éjectés de la fourmilière en même temps que les graines constituent probablement une sorte de mini-compost assurant une meilleure croissance après la germination. (1)
Ces gros narcisses, installés chez moi depuis plus de trente ans se dispersent de proche-en-proche grâce au transport pas les fourmis. Les chionodoxa qui forment un grand tapis à leurs pieds ont aussi des graines à élaïosome.
On leur reproche de protéger les pucerons. Or, il faut savoir que les fourmis, en consommant le miellat excrété par ces insectes suceurs de sève, aident à éviter des maladies telles que la fumagine, ce champignon noir qui se développe dans les déchets organiques produits par les pucerons (3).
Les fourmis aèrent le sol et l'enrichissent, elles protègent les plantes contre les herbivores. Si nous les détruisons, nous nous privons stupidement d'alliés précieux.
Et puis, ce sont des insectes sociaux tellement passionnants !
Que font ces fourmis sur mes fèves ? - Au jardin des Quatre Moineaux
Que font déjà ces fourmis sur mes fèves ? Seraient-elles en train d'installer leurs pucerons ? Mes pauvres "red Epicure" mesurent à peine quinze centimètres ! Déjà des pucerons sur les fève...
http://www.quatremoineaux.be/2017/04/que-font-ces-fourmis-sur-mes-feves.html
(2) Gómez, Crisanto & Lay, Josep & Oliveras, Jordi. (2007). Final seed fate and seedling emergence in myrmecochorous Plants: Effects of ants and plant species. Sociobiology. 50. 101-111.
(3) François Verheggen, Lise Diez, Claire Detrain & Éric Haubruge, «Mutualisme pucerons – fourmis : étude des bénéfices retirés par les colonies d'Aphis fabae en milieu extérieur», BASE [En ligne], numéro 2, volume 13 (2009), 235-242 URL : https://popups.uliege.be:443/1780-4507/index.php?id=3956.
Et aussi :
Myrmecofourmis : Un beau site sur les fourmis avec des vidéos et des photos incroyables