Une chélidoine contre les aleurodes... et bien d'autres choses encore
C'est un truc que j'ai appris lors d'une "portes ouvertes" à l'Ortie-Culture à Staves ( si, si, je vous en ai déjà parlé et je vous en reparlerai bientôt car j'y ai fait quelques trouvailles ce samedi). Comme je m'étonnais de la présence de chélidoine dans la serre à tomates, le jardinier qui guidait la visite m'a expliqué qu'il s'agissait d'une technique pour se débarrasser des aleurodes.
C'était il y a cinq ans environ. Je subissais justement une grosse invasion d'aleurodes dans la serre. Le conseil tombait à pic !
Pour les veinards qui ne connaissent pas les aleurodes (et qui voudraient en savoir plus), je conseille la lecture du document dont le lien est ci-dessous.
Introduction aux aleurodes Hémiptère
Dans une colonie, on observe fréquemment deux ou trois adultes étroitement groupés comme ci-dessus. En octobre sur diverses plantes, dont la ronce (Rubus sp.), ci-dessus. Notez l'unique tache ...
http://entomofaune.qc.ca/entomofaune/aleurodes/aleurodes_intro.html
Il s'agit tout bêtement de ces petites "mouchettes" qui s'envolent en nuage dès que l'on touche la plante infestée. Elles se nourrissent de sève. Aussi embêtantes que les pucerons, donc !
La solution était-elle aussi simple ? J'ai essayé.
Depuis que je laisse pousser un pied de chélidoine dans la serre, je n'ai plus jamais eu de problèmes d'aleurodes. Est-ce que je peux en conclure pour autant que le "truc" est efficace ? Certainement pas. Mais je ne peux pas non plus affirmer le contraire. Alors, dans le doute, je continue.
Reconnaître la chélidoine est simple : c'est une plante de la même famille que les coquelicots (les papavéracées). Ses petites fleurs ont quatre pétales jaunes et ses fruits sont allongés. Elle a un aspect un peu fragile mais est pourtant très rustique
Elle pousse dans les lieux laissés à l'abandon. En fait, elle pousse à peu près partout. Elle se ressème très facilement. La meilleure façon de l'installer chez soi est de récolter quelques graines dans la nature. Il existe des variétés horticoles (un peu) plus décoratives.
S'il y en trop, pas de problème, elle s'enlève très facilement. J'ai même parfois l'impression qu'elle n'a pas de racines.
Pourquoi "prêtées" entre parenthèses ? Parce que toutes ces vertus sont le plus souvent non-vérifiées scientifiquement et même parfois complètement loufoques. Qu'à cela ne tienne, je les raconte quand même... on ne sait jamais !
Quand on coupe une tige ou une feuille de chélidoine, il s'en échappe un latex jaune. Celui-ci a la (solide) réputation d'être efficace pour soigner les verrues. Cette efficacité, répétée à de multiples reprises avec beaucoup d'assurance, n'est pourtant pas démontrée cliniquement. Mais si vous voulez essayer, sachez qu'il faut appliquer le latex jaune qui suinte de la tige coupée sur la verrue, plusieurs fois par jour. Et cela jusqu'à ce que celle-ci disparaisse.
Le nom latin de la chélidoine, Chelidonium, proviendrait d'un mot grec signifiant "hirondelle". Ce qui a donné lieu à de nombreuses interprétations, parfois assez farfelues. Ainsi, les hirondelles se serviraient-elles de cette plante pour rendre la vue à leurs petits quand ils sont aveugles. Si vous avez un problème de vue, n'essayez jamais d'imiter l'hirondelle : le suc de chélidoine est extrêmement corrosif, ça doit faire très mal !
D'autres pensent tout simplement que le nom de la plante fait référence à son époque de floraison : en avril, lorsque les hirondelles reviennent. A ce compte-là, il y en aurait des plantes qui s'appellent "hirondelle" !
Outre son action sur les verrues, la chélidoine aurait aussi de multiples propriétés sous forme de décoctions ou autres préparations. Mais comme la plante toxique, je préfère éviter le sujet. Allez, juste un petit truc pour le fun : la chélidoine pourrait soigner la jaunisse. C'est une illustration de la dite théorie des signatures, selon laquelle un signe présent sur une plante indiquerait le mal qu'elle soigne. Ben oui, c'est une fleur jaune, au suc jaune, alors...
Le latex jaune et la couleur de la fleur en font par ailleurs un ingrédient de choix dans la concoction de la "pierre philosophale", sensée transformer le plomb en or... le rêve des alchimistes anciens ou modernes (oui, il y en a encore qui cherchent !).
Voilà des petites histoires comme je les aime. Je n'ai pas pu retrouver leur origine mais je vous les raconte quand même, parce qu'elles me plaisent bien. En plus ça peut être utile :
Si un jour vous vous retrouvez en prison pour un crime que vous n'avez pas commis, portez donc un brin de chélidoine à même la peau : vous réussirez votre évasion à coup sûr. N'oubliez pas cependant de changer le brin tous les deux jours.
Et si vous êtes médecin, voici un truc qui pourrait vous intéresser : en cas de doute sur l'issue de la maladie d'un de vos patients, placez un brin de chélidoine sur sa tête. S'il pleure, c'est qu'il va mourir, vous ne pouvez plus rien pour lui. Mais s'il rit : il s'en sortira. Prescrivez-lui donc alors de la poudre de perlimpinpin, ça suffira. (Oui, je parle comme Macron)
Jean-Claude Margolin et Sylvain Matton, Alchimie et philosophie à la Renaissance: actes du colloque international de Tours, 4-7 décembre 1991, Vrin, 1993 - 478 page
François Joseph Cazin, Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes: avec un atlas de 200 planches lithographiées, P. Asselin, 1868 - 1189 pages
Michel Pierre, Michel Lys, Secrets des plantes, Editions Artemis, 2007 - 463 pages - Consulté sur Google Play