Le pavot du Pays de Galles. Comment s'appelle-t-il et d'où vient-il ?
Pour apprécier le pavot du Pays de Galles, il faut aimer le jaune : rien n'est plus jaune pétant qu'un pavot du Pays de Galles*... Mais c'est un jaune transparent, disposé par petites touches qui balancent au moindre souffle de vent. Enfin, bref, c'est le genre de jaune que même les jardiniers qui n'aiment pas le jaune pourraient faire entrer dans leur jardin. Mais moi, j'aime le bariolé, alors je suis mauvais juge.
Un tel bazar ne plairait certainement pas à tout le monde, mais moi j'aime bien cet aspect un peu foufou.
Il y a quelqu'un qui aime encore plus le jaune que moi dans cette maison, c'est Alain. C'est lui qui a ramené des graines en cachette de nos vacances au Peak-District, en Angleterre, et qui les a semées dans le jardin. Depuis, on en retrouve dans les coins ombragés un peu humides, mais jamais bien loin : on dirait bien que les graines de pavot du Pays de Galles ne voyagent pas beaucoup ! En tout cas, par leurs propres moyens.
Tous les pavots du pays de Galles de notre jardin descendent de quelques graines récoltées à Castleton, une petite ville du Peak-district ou il pousse un peu partout.
Les graines de pavots du Pays de Galle qui poussent aux quatre moineaux proviennent certainement d'un individu échappé d'un jardin anglais. Mais en Europe, il existe encore des pavots du Pays de Galles "sauvages" enfin, on va dire "indigènes" c'est plus correct. Et pas seulement au Pays de Galles : on en trouve aussi en Espagne, dans les Pyrénées, en Auvergne... Toujours dans des régions assez montagneuses, dans les creux un peu ombragés et humides.
Qu'ils poussent en Espagne, en France, en Grande-Bretagne ou en Irlande, ces populations indigènes sont impossibles à différencier. Sauf quand on dispose de moyens modernes tels que les études génétiques. Et là, il y a des surprises.
Par exemple, des chercheurs (1) ont montré que la majorité des pavots que l'on retrouve un peu partout en Grande-Bretagne sont plus proches génétiquement de leurs cousins Pyrénéens que des Gallois ! Quand ils en ont l'occasion les "locaux" s’hybrident avec les "étrangers".
Les pavots du pays de Galles qui poussent dans mon jardin ont donc toutes les chances d'être originaires des Pyrénées... après un détour par l'Angleterre.
Il y a fort à parier que les pavots du Pays de Galles qui poussent aux quatre moineaux ont des ancêtres pyrénéens. Pourtant, leurs graines viennent d'Angleterre.
Si vous vous amusez à faire une recherche sur le pavot du Pays de Galles, vous allez trouver différents noms scientifiques, comme toujours. Mais il y en a deux qui reviennent plus souvent : Meconopsis Cambricum et Papaver Cambricum. Tss !
L'histoire commençait pourtant simplement : quand Linné, au 18e siècle, s'est attelé à la tâche de décrire et nommer les espèces, il a appelé ce pavot Papaver Cambricum soit... pavot du Pays de Galles, logique !
Il ressemble tellement à un coquelicot jaune que Linné n'a pas hésité avant de le classer dans le genre Papaver... et il avait raison !
Mais un jour de 1814, un botaniste nommé Viguier (2, page 11) a décidé que non, ce n'était pas un Papaver, mais un Meconopsis. C'est lui qui a inventé le nom pour la circonstance. En grec, ça veut dire : qui a l'aspect du pavot !
Pour info, Papaver et Meconopsis sont les noms des genres, cambricum est le nom de l'espèce : il n'a pas changé. Papaver et Meconopsis font partie de la famille des papaveracées.
Et voilà : pendant presque 200 ans, le pavot du Pays de galles s'est appelé Meconopsis Cambricum Vig. Avec un Vig. comme Viguier.
Sur quoi se basait-il pour séparer comme ça le pavot du Pays de Galle des autres pavots connus à l'époque ? Sur la forme du style et des stigmates : Chez le pavot du Pays de Galles, on distingue bien un style et des stigmates alors que chez les autres Papaver (le coquelicot par exemple), c'est plutôt une sorte de plateau.
Le style du pavot du Pays de Galles est bien distinct et les stigmates sont séparés alors que chez le coquelicot (papaver rhoeas) il n'y a pas de style et les stigmates forment une sorte de plateau.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là car, un peu plus tard, voilà qu'on découvre en Asie, et plus particulièrement dans l'Himalaya, des pavots qui ressemblent furieusement à notre pavot du pays de galles (3) . Ni une ni deux, ils entrent dans le genre Meconopsis !
Coloriez-moi ça en jaune et vous avez un pavot du Pays de Galles.
Du coup, le genre Meconopsis, qui ne comportait qu'une seule espèce (la "nôtre") s'est étoffé subitement : il compte aujourd'hui plus de cinquante espèces (3)... dont certaines aussi célèbres que celui ci-dessus.
C'était bien intéressant ! Meconopsis cambricum aurait été le seul européen au sein d'un genre présent presque uniquement là-bas, bien loin, dans l'Himalaya ? Oh ! oh ! comment est-ce possible ? Vous imaginez les discussions savantes sur le sujet. Jusqu'à ce que...
Voilà qu'on s'est rendu compte dernièrement (3) que notre pavot du Pays de Galles, en fin de compte, était bien plus proche des autres pavots européens que des Meconopsis Asiatiques. Même avec un style sans plateau ! On a vu ça grâce a des études génétiques, vous vous en doutez. Voilà pourquoi, maintenant, on l'appelle le plus souvent Papaver cambricum ! Et même Papaver cambricum L., son premier nom. Exit le pauvre Monsieur Viguier !
En fait, ce changement de nom est un peu plus compliqué que cela, il fallait s'y attendre. Mais tout est bien expliqué sur le site "tela-botanica", dont le lien est ci-dessous. Alors, je ne vais pas passer mon temps à recopier !
#orangeJ'ai menti plus haut en disant que le Papaver cambricum était jaune ! Il y en a des orange, enfin plutôt des mandarine. De temps en temps, il en apparait un ou deux dans le jardin.
J'aime tellement cette couleur que j'ai déjà essayé de récolter les graines et de les semer... mais rien à faire, j'ai toujours une grande majorité de jaunes. Je vais essayer d'isoler quelques feurs avec des petits sachets petits sachets d'organza.
La technique du sachet d'organza consiste à enfermer les fleurs qui nous intéressent puis à les polliniser entre elles. C'est efficace à 100% si le caractère recherché est récessif.
Rendez-vous l'année prochaine pour voir le résultat... s'il y en a un. Pour terminer, je vous informe qu'il existe des versions doubles de ce petit pavot. Je n'aime pas : je trouve que ça lui fait perdre son charme léger et chiffonné. Mais bon, les goûts et les couleurs, hein !
Et du coup, vous savez où trouver des graines, si vous en voulez. Allez, je retourne au jardin : je suis en train de remettre en état (autant que faire se peut) le devant de la maison... et il y a du boulot !
A bientôt.
(1) Francisco J. Valtueña,Chris D. Preston,Joachim W. Kadereit, Evolutionary significance of the invasion of introduced populations into the native range of Meconopsis cambrica, First published: 16 September 2011 https://doi.org/10.1111/j.1365-294X.2011.05273.x
Francisco J. Valtueña,Chris D. Preston,Joachim W. Kadereit,, Phylogeography of a Tertiary relict plant, Meconopsis cambrica (Papaveraceae), implies the existence of northern refugia for a temperate herb, First published: 09 February 2012, https://doi.org/10.1111/j.1365-294X.2012.05473.x
(2) Viguier, L.G.A. 1814. Histoire naturelle, médicale et économique des Pavots et des Argémones. Montpellier: J. Martelaine ´. (Le livre est en ligne ici )
(3) Joachim W Kadereit, Chris D Preston & Francisco J Valtueña, Is Welsh Poppy, Meconopsis cambrica (L.) Vig. (Papaveraceae), truly a Meconopsis?Pages 80-88 | Published online: 12 Nov 2013, https://doi.org/10.1179/204234811X13194453002742