Belle par tous les temps : l'Euphorbia x martinii 'ascot rainbow'
Depuis quelques années, de canicules en déluges, la vie de jardinière n'est pas de tout repos : soit les plantes grillent, soit elles pourrissent. Parfois aussi, elles s'allongent tellement qu'elles finissent par s'effondrer lamentablement. Quelques-unes pourtant ont assez de classe pour rester jolies en toutes circonstances.
C'est le cas de l'Euphorbia x martinii 'ascot rainbow'.
Elle aime les sols très drainés et la chaleur, c'est pourquoi je l'ai plantée dans un talus caillouteux exposé plein Sud. Je m'attendais à une catastrophe cette année mais pensez-vous ! malgré les pluies quasi-constantes de l'été, elle est restée belle et bien compacte.
Moi qui suis tête en l'air et qui perd toujours les étiquettes, j'ai réussi un exploit : je peux vous retracer toute l'histoire de mes Ascot rainbow depuis le 10 octobre 2018, date à laquelle je les ai reçues de chez "Promesses de Fleurs".
Il est rare que je commande en ligne : je préfère éviter les mauvaises surprises en choisissant mes plantes de visu, chez les pépiniéristes. Mais dans ce cas-ci, la surprise était bonne : trois petits plants bien touffus et en parfaite santé.
Tellement jolis que je me suis empressée de les bouturer, avant même de les mettre en place. J'avais sans doute pensé en faire un article un jour car j'ai pris des photos de l'opération :
Je n'ai pas procédé dans les règles : il est souvent conseillé de tremper l'extrémité de la bouture dans de l'eau tiède pour dissoudre le latex (irritant, soit dit en passant). Je ne l'ai pas fait.
Malgré cela, les boutures ont bien repris : j'en ai fait huit et, après l'hiver, j'ai pu repiquer... huit nouveaux plants !
Je les ai installées directement en place, dans le même talus caillouteux en plein soleil... quand il y en a. Je n'ai pas pris beaucoup de précautions : comme les tiges avaient fleuri je pensais qu'elles allaient mourir et disparaître... mais je me trompais !
Ces euphorbes ont un cycle de vie assez particulier. Vous lirez sûrement que leurs tiges sont "bisannuelles" : la première année, elles poussent et ne fleurissent pas. L'année suivante, au printemps, elles s'allongent et produisent les "fleurs" (qui sont en réalité des cyathes).
Pendant la floraison, de nouvelles tiges se mettent à pousser. Si bien que, lorsque les tiges florales se dessèchent et deviennent laides, on peut les couper sans problème : la relève est assurée !
Une des boutures de 2018 en juillet 2021 : on aperçoit les tiges florales (en bas). On peut les couper sans défigurer la plante : de nouvelles tiges sont déjà formées.
Plusieurs sources indiquent qu'Ascot rainbow a une courte durée de vie (on ne peut pas être parfait !). Je n'ai pas pu le vérifier, les miennes n'ayant que trois ans. Par précaution et, peut-être aussi pour en avoir plus, j'ai fait de nouvelles boutures. Je vous épargne les étapes déjà décrites. J'insiste tout de même sur la couche de graviers (2 cm) qui permet d'éviter la pourriture : ce sont des plantes de sol sec qui détestent l'eau stagnante.
C'est pour cette raison qu'il est aussi important d'utiliser un substrat bien drainant : j'ai fait un mélange de terreau et de sable du Rhin (moitié-moitié).
Et voilà ! J'espère avoir autant de réussite que la première fois. Mais avec les boutures, on n'est jamais sûr de rien ! Pour le moment, les pots sont à l'abri dans la serre, à l'ombre claire. Une serre n'est certainement pas indispensable mais un abri protège du soleil direct qui dessèche les tiges et de la pluie qui détrempe le substrat.
Encore une fois, je le répète, je n'ai pas dit que c'était comme ça qu'il FALLAIT faire : j'ai fait comme ça et ça a marché. Il existe toutes sortes d'autres façons de bouturer l'euphorbe x martinii notamment au printemps.
Au fait, c'est quoi ce nom ?
Écrire un blog amène à se poser des questions et... à chercher des réponses. Alors que je me contentais de la contempler avec tendresse, je me suis demandé d'où venait ce nom avec des x (fois) dedans.
Comme il n'y a que ceux que ça intéresse qui liront, je ne fais pas d'effort littéraire :
- Euphorbia, c'est le nom du genre. C'est une euphorbe, on le savait.
- D'habitude, le nom du genre est suivi du nom de l'espèce. Par exemple : Euphorbia characias. Mais quand il y a un X (fois) après le nom du genre, cela signifie qu'il s'agit d'un hybride entre deux espèces appartenant au même genre. En l’occurrence, il s'agit de ces deux-ci :
- Euphorbia amygdaloides : l'euphorbe des bois, indigène en Belgique. Aux Quatre Moineaux, elle se ressème un peu partout.
- Euphorbia characias : une espèce plus méridionale (photo : Kurt Stüber [1], CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons) :
Et voici, ci-dessous, a quoi ressemble le rejeton. (Photo "piquée" au site "Promesses de fleurs". Cliquez sur l'image pour accéder au site) :
Cet hybride, Euphorbia x martinii tout court, n'est pas le résultat d'un croisement volontaire réalisé par un pépiniériste curieux. Les deux espèces (characias et amygdaloïdes) s'hybrident naturellement dans le Sud de la France et les Pyrénées. C'est un dénommé Martin, botaniste de son état, qui l'a remarqué à la fin du 19e siècle (d'où le x martinii). (1).
Mais ce n'est pas fini : comme vous le voyez la plante ci-dessus est bien différente d'Ascot rainbow . Que s'est-il passé ? C'est une affaire de sport. Oui, vous avez bien lu : "de sport". Ce n'est pas un correcteur automatique sauvage qui a fait des siennes.
L'histoire se poursuit maintenant en Australie, dans une pépinière qui n'a pas l'air mal du tout :
OK, c'est sans doute un peu loin... Mais pourquoi pas, hein ?
Vers 2005, le dénommé David Glenn, de ladite pépinière, a remarqué sur un pied d'Euphorbia X martinii, une branche qui n'était pas comme les autres : sa tige était rouge et portait des feuilles tricolores. C'est ça qu'on appelle un "sport" : à un moment donné, une mutation intervient et affecte une partie de la plante. J'ai déjà expliqué ça ici à propos d'un de mes rosiers "pink grootendorst".
David Glenn n'a pas laissé passer l'occasion : il a bouturé le sport en question... qui est devenu une belle plante aux tiges rouges et aux feuilles tricolores. Un nouveau cultivar était né. Comme on était à Ascot, il a été baptisé "Ascot rainbow". Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il a eu pas mal de succès : on le trouve maintenant à peu près partout.
Le "sport" en question s'est révélé très stable. Au fil des bouturages successifs la plante ne retourne pas au type d'origine et conserve les caractères qui font tout son intérêt. Ce n'est pas si courant.
Francis Peters de Jardins et Loisirs a consacré un sujet à cette jolie euphorbe. Vous pouvez le visionner en cliquant sur le lien ci-dessous. Vous verrez, il donne de précieux conseils de culture. Je vous laisse en sa compagnie.
(1). Euphorbe de Martin, Site internet : aujardininfo, URL : https://www.aujardin.info/plantes) /euphorbia-x-martinii.php
(2). United States Plant Patents, Glenn, United States. Patent and Trademark Office, Page 21, 19 oct. 2010 (URL)