Un houblon "historique" dans ma haie
Il n'y a pas que le jardinage dans ma vie, j'ai quelques autres passions, dont la généalogie. Et qui dit généalogie dit histoire, forcément. Et plus particulièrement ce qu'on appelle avec un peu de mépris, la "petite" histoire : celle qui nous permet d'entrer un peu dans l'intimité de nos ancêtres et de deviner, parfois, leur façon de vivre et de penser.
C'est ainsi que je suis "tombée" sur un article d'Yvon Barbazon, grand passionné d'histoire locale... et passionnant. Cet article s'intitulait :
Un petit bout d’histoire : Quelques cultures oubliées
Vous pouvez accéder à l'article en question via le lien ci-dessus ou en cliquant directement ici. Il est consacré aux chanvrières et aux houblonnières que l'on trouvait autrefois dans chaque villages de notre région.
La culture du houblon, je voyais ça plutôt en Flandres ou dans le Sud de l'Angleterre. Je n'imaginais pas qu'on le cultivait en Wallonie et, encore moins, en Ardenne.
La photo à gauche, tirée du site "généanet", a été prise dans le Nord de la France mais on peut imaginer que ce genre de scène avait lieu chaque automne dans nos villages.
Dans l'article d'Yvon Barbazon, une phrase en particulier a réveillé en moi l'instinct du détective qui a flairé une piste :
"On peut encore voir dans certaines haies, courir des pieds de houblon."
J'ai attendu le printemps avec la ferme intention d'examiner toutes les haies de la région... et j'ai mis toute la famille sur le coup.
Et puis, voilà qu'en nettoyant un peu les ronces du côté du compost, j'ai fait une découverte : ce houblon, il pousse chez moi, dans ma haie !!!
Dans ce coin délaissé où j'ai l'habitude de jeter mon terreau usagé, poussait un houblon, témoin d'une époque oubliée... dans la plus grande indifférence.
D'abord, je n'y ai pas cru. Mais si : cette liane, que je n'avais pas pris le temps d'identifier (c'est honteux !) et que je m'obstinais à arracher depuis trente ans (c'est encore plus honteux !)... c'était bien du houblon.
Les feuilles de houblon peuvent être assez différentes les unes des autres : entières, à trois lobes ou à cinq lobes (je n'ai pas trouvé de feuilles à cinq lobes sur le mien)
L'article d'Yvon Barbazon avait dessillé mes yeux et soudain cette saleté de liane coriace s'est transformée miraculeusement en un témoin du passé, précieux et digne de toutes mes attentions.
Du coup, je me suis renseignée sur le houblon et sa culture. De quelle variété s'agit-il ? Est-ce, peut-être, un houblon dit "sauvage" ? Je n'en sais rien. Auguste Chevalier (1), indique qu'on peut les distinguer en fonction de la couleur de la tige :
Bon, il le dit lui-même, ce caractère n'est pas vraiment fiable.
Il me semble que la tige est plutôt vert-pâle, il s'agit peut-être d'une forme "anglaise, américaine ou belge". Mais rien n'est moins sûr.
Je ne me souviens pas de l'avoir vu fleurir ni, forcément, produire ces fameux cônes qui parfument la bière. Mais cela n'a rien d'étonnant : je ne lui ai jamais laissé la possibilité d'atteindre la longueur à partir de laquelle il commence à fleurir... soit 6 mètres et entre 20 et 24 nœuds (2) . Vous pensez-bien que cette année, je vais le laisser grandir autant qu'il le désire.
J'imagine que si je lui en laisse la possibilité, mon houblon ne demandera pas mieux que de grimper dans les arbres qui l'entourent. Ou alors, il préfèrera peut-être ramper sur le sol. On verra !
Chez le houblon, les plants portent soit des fleurs mâles, soit des fleurs femelles, jamais les deux en même temps ! Celui qui pousse dans le jardin est probablement un plant femelle : seuls ceux-ci produisent les cônes avec lesquels on aromatise la bière. Comme la pollinisation n'est pas nécessaire à leur formation, on ne cultivait que les pieds femelles. Multipliés par bouturage, j'imagine. Je devrai attendre la floraison pour connaître le sexe du mien.
Cela dit, le houblon n'est pas seulement intéressant pour ses cônes. Il est de plus en plus cultivé pour ses jets, qui se consomment comme des asperges et sont, parait-il, excellents.
On en vend chez Rob, grand magasin d'alimentation bruxellois, plutôt chic et cher. Ils ont consacré un article à ce délice qui, disent-ils, se négocie jusqu'à 1600€ le kilo "aux enchères". Faut pas demander le prix au détail. Enfin, j'ai lu que 100 gr suffisaient pour apprécier !
Les jets se récoltent à la fin de l'hiver : c'est trop tard pour cette année. Mais ça m'a tout de même donné l'idée de réaliser quelques boutures pour commencer une petite culture perso.
J'ai simplement utilisé un rhizome et une tige déterrés par inadvertance. Je les ai coupés en petits bouts et replantés dans des godets. Une couche de graviers, un bon arrosage et... hops !
Je n'envisage pas d'installer ces hautes perches de cinq mètres, très pittoresques dans les campagnes flamandes, mais tout de même bien encombrantes. Si mes boutures reprennent, je compte tout simplement les planter ailleurs dans la haie et les laisser pousser à leur guise.
Je ne sais pas si, un jour, je récolterai des cônes de houblon ou si je me régalerai de leurs jeunes pousses. Mais ce n'est pas le plus important. Cette petite anecdote m'a fait (encore plus) comprendre à quel point TOUTES les plantes étaient intéressantes. A condition de prendre la peine de les observer et de se renseigner sur leur compte. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que voyager ne sert à rien : j'aime découvrir d'autres cultures, d'autres paysages. Mais ça ne m'empêche pas d'apprécier les joies et les découvertes inattendues que je peux faire tout près de chez moi, dans mon jardin.
Sources
(1) Aug. Chevalier, Notes sur le Houblon, Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée Année 1943, 263-265 pp. 225-242. Consulté le 28 avril sur le site de Persée. URL : https://www.persee.fr/doc/jatba_0370-3681_1943_num_23_263_1769