Les tubercules andins et la longueur du jour

Publié le par Annick Boidron

SI vous avez dans votre jardin des ocas, des ullucos ou des capucines tubéreuses, surtout ne les arrachez pas encore : ils commencent seulement à former leurs tubercules ! Ce n'est pas un caprice : leur cycle dépend de la longueur du jour...ce qui ne va pas sans poser problème

Ci-dessous, je vais surtout parler des ocas et des capucines tubéreuses dont je réussis bien la culture depuis des années. En ce qui concerne les ullucos, j'en suis encore au stade des essais (balbutiants et peu concluants).

De haut en bas : feuillage et tubercule d'ocas, de capucines tubéreuses (grimpante) et l'ullucos. On peut agrandir les photos en cliquant dessus.De haut en bas : feuillage et tubercule d'ocas, de capucines tubéreuses (grimpante) et l'ullucos. On peut agrandir les photos en cliquant dessus.
De haut en bas : feuillage et tubercule d'ocas, de capucines tubéreuses (grimpante) et l'ullucos. On peut agrandir les photos en cliquant dessus.De haut en bas : feuillage et tubercule d'ocas, de capucines tubéreuses (grimpante) et l'ullucos. On peut agrandir les photos en cliquant dessus.
De haut en bas : feuillage et tubercule d'ocas, de capucines tubéreuses (grimpante) et l'ullucos. On peut agrandir les photos en cliquant dessus.De haut en bas : feuillage et tubercule d'ocas, de capucines tubéreuses (grimpante) et l'ullucos. On peut agrandir les photos en cliquant dessus.

De haut en bas : feuillage et tubercule d'ocas, de capucines tubéreuses (grimpante) et l'ullucos. On peut agrandir les photos en cliquant dessus.

La tubérisation en "jours courts" c'est embêtant

Les ullucos et les ocas attendent que les jours durent moins de 12 h (soit à l'équinoxe d'automne) avant commencer à tubériser. Les capucines tubéreuses sont un peu plus rapides : elles s'y mettent lorsque la durée du jour basse sous la barre des 13 heures (début septembre chez nous).

En conséquence, nos tubercules andins disposent de bien peu de temps pour se former avant que les premières gelées ne détruisent leur feuillage. C'est comme ça ! Quand il gèle tôt, les tubercules sont petits. Quand il gèle  tard, les tubercules sont plus gros !

Début de tubérisation chez l'oca : il faut à peu près 6 semaines pour qu'un tubercule digne de ce nom se forme.

Début de tubérisation chez l'oca : il faut à peu près 6 semaines pour qu'un tubercule digne de ce nom se forme.

Cette particularité n'est pas vraiment gênante pour le jardinier amateur qui recherche surtout la variété ou l'originalité. C'est plus risqué dans les exploitations à but commercial. C'est probablement pour cette raison que la culture de ces excellents légumes, envisagée au 19e siècle pour remplacer la pomme de terre, a été rapidement abandonnée. ... Avant qu'on ne les redécouvre récemment.

C'est quoi cette idée de tubériser en jours courts ?

Dans les pays de haute latitude comme chez nous, là où les saisons sont bien marquées, les jours courts correspondent à l'hiver : les arbres perdent leurs feuilles, les parties aériennes des vivaces disparaissent, les graines restent en repos dans le sol. On comprend facilement l’intérêt de cette adaptation pour les plantes. L'arrivée des jours courts constituent un signal :  "l'hiver arrive, prenez vos précautions". Tout cela implique que la plante soit capable d'évaluer la longueur du jour (ou de la nuit) et d'adapter son développement en conséquence : des récepteurs de lumière et toutes sortes de mécanismes physiologiques compliqués sont nécessaires.

Mais les ocas, les capucines tubéreuses et les ullucos sont originaires d'une zone tropicale, plus précisément des hauts plateaux andins au Pérou et en Bolivie. Là-bas, la longueur du jour varie à peine. Est-ce que la tubérisation a un sens dans ces conditions ?

a gauche, des ocas de toutes les couleurs. A gauche, devant ceux-ci, un sac de capucines tubéreuses. Dans le fond, les sacs sont remplis de pommes de terre "natives".(Les photos ont été prises au marché de Chivay, dans la région d'Arequipa, au Pérou)a gauche, des ocas de toutes les couleurs. A gauche, devant ceux-ci, un sac de capucines tubéreuses. Dans le fond, les sacs sont remplis de pommes de terre "natives".(Les photos ont été prises au marché de Chivay, dans la région d'Arequipa, au Pérou)

a gauche, des ocas de toutes les couleurs. A gauche, devant ceux-ci, un sac de capucines tubéreuses. Dans le fond, les sacs sont remplis de pommes de terre "natives".(Les photos ont été prises au marché de Chivay, dans la région d'Arequipa, au Pérou)

Pourquoi tubériser en jours courts quand on pousse sous les tropiques où la longueur du jour varie à peine ?

 

 

Dans la région de lac Titicaca, le jour le plus court dure 11h11(le 21 juin) et le plus long 13h04 (le 21 décembre).
Pour vous donner un point de comparaison, à Bouillon où j'habite, le jour le plus long dure 16h20 et le plus court 8 h 06.

 

Hé bien, figurez-vous qu'une variation aussi minime est perceptible par les plantes tropicales : il suffit parfois de quelques minutes de différence pour initier la formation d'un organe (fleur, graines ou... tubercules). Cette particularité est génétique, les ocas de chez nous en ont hérité.

 

Dans les Andes, la période de croissance de l'oca, des capucines tubéreuses, des ulluques et des ... pommes de terre correspond à l'été : c'est la saison des pluies, les températures sont plus élevées (mais pas caniculaires : on est à plus de 3000 mètres). Les tubercules commencent à se former en mars, à l'approche de l'hiver : une saison plus froide et sèche, pas du tout propice à leur croissance.

 

La tubérisation en jours courts a donc tout son sens et est parfaitement adaptée au cycle des saisons dans cette région... Quand El Niño ne s'en mêle pas !

Ces terrasses, au bord du lac Titicaca à gauche et dans le cayon de Colca à droite, ont été photographiées en juillet : dans l'hémisphère Sud, c'est l'hiver hiver.  En cette saison, l'absence de pluie et les températures proches de 0° ne permettent pas leur mise en culture.Ces terrasses, au bord du lac Titicaca à gauche et dans le cayon de Colca à droite, ont été photographiées en juillet : dans l'hémisphère Sud, c'est l'hiver hiver.  En cette saison, l'absence de pluie et les températures proches de 0° ne permettent pas leur mise en culture.

Ces terrasses, au bord du lac Titicaca à gauche et dans le cayon de Colca à droite, ont été photographiées en juillet : dans l'hémisphère Sud, c'est l'hiver hiver. En cette saison, l'absence de pluie et les températures proches de 0° ne permettent pas leur mise en culture.

Créer des ocas indifférents à la longueur du jour ?

Par leurs couleurs pimpantes, leur variété et leur goût, l'oca, la capucine tubéreuse et les ullucos pourraient devenir intéressants commercialement... s'ils perdaient leur sensibilité à la longueur du jour. Impossible ? Pas le moins du monde mais il faut du temps : les pommes de terre, qui proviennent de la même région, étaient aussi des tubercules de jours courts et il a fallu plus de deux-cents ans de sélection pour voir apparaitre des variétés qui tubérisent en plein été, bien avant les premières gelées.

Au marché d'Arequipa, on rouve toutes sortes de pommes de terre semblables aux ancêtres des nôtres : elles tubérisent en jours courts.

Au marché d'Arequipa, on rouve toutes sortes de pommes de terre semblables aux ancêtres des nôtres : elles tubérisent en jours courts.

La guilde des éleveurs d'oca

Les membres de "The Guild of Oca Breeders", se sont fixé pour objectif d'améliorer la qualité des ocas : meilleure production, meilleur goût et... tubérisation indifférente à la longueur du jour. Dans ce but, ils réalisent de nombreux croisements  et sèment les graines obtenues.

Leur idée est de repérer parmi tous les plants obtenus ceux qui présentent les caractères recherchés et de les sélectionner pour continuer à les améliorer par d'autres croisements. Et pour cela, ils font appel au plus grand nombre de volontaires possibles : plus le nombre d'essais sera élevé plus la chance sera grande de découvrir LA variété d'oca productive, goûteuse et... tubérisant plus tôt.

Le lien est ci-dessous : avis aux amateurs !

Tout cela, c'était un peu théorique, j'en conviens, mais j'aime bien comprendre les choses. Et puis, ça permet de s'adapter. Voici quelques idées pour reculer le plus possible le moment d'arracher les ocas et les capucine tubéreuses :

  • Il est utile, dès qu'on annonce des gelées, de protéger les plants avec une bonne couche de matière organique : même si les feuilles gèlent, ça protégera les tubercules superficiels. Le feuillage gelé, s'il est laissé sur place, offre lui-même une certaine protection. Il paraît, mais je n'ai pas trouvé confirmation, que même si leur feuillage est détruit, les capucines tubéreuses et les ocas continuent encore à grossir tant qu'ils restent en terre. Si les gelées ne sont pas trop fortes, on peut donc attendre le plus longtemps possible avant de les arracher.
  • Le feuillage peut supporter une toute petite gelée. On peut le protéger avec un voile de forçage.
  • Certains s'amusent à recouvrir leurs ocas d'une bâche opaque quelques heures avant le coucher du soleil pour le faire "croire" que le jour est plus court. Je ne l'ai jamais fait car c'est plutôt contraignant... à moins qu'il suffise de le faire seulement pendant quelques jours, juste pour initier la tubérisation. C'est une piste à creuser.

Une autre idée, mais il est trop tard pour la mettre en œuvre cette année, consiste à planter oca et capucines dans des endroits où ils seront à l'abri et un peu ombragés à l'automne : mes capucines tubéreuses poussent au nord d'une haie de feuillus et mes ocas courent sous les autres légumes : ça les protège un peu du gel. Peut-être aussi que le fait de recevoir moins de lumière permet de gagner quelques jours sur le début de la tubérisation. Mais c'est une hypothèse.

Les tubercules andins ont beaucoup de choses à nous apprendre

Comme toujours, alors que j'allais vite écrire un petit article sur la tubérisation en jours courts, j'ai découvert un tas de choses que je ne savais pas et il en reste... il y aura donc encore des articles sur ces légumes redécouverts dans l'avenir. Cela dit, les informations sur le sujet ne sont pas très nombreuses. Si vous voulez aller plus loin, je vous conseille, outre lele site de la "Guild of Oca Breeders", de télécharge un livre en version pdf gratuit disponible ici :

Allez, je vous laisse rêver à vos futurs ocas, capucines tubéreuses et ullucos de toutes les couleurs ! Et bon week-end.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
tes photos d'Aréquipa me rappelle le voyage que j'ai fait il y a longtemps au Pérou, les marchés aux multiples odeurs, couleurs et surtout les petites indiennes si jolies et coiffées d'un chap eau melon.. je peux aussi t'assurer qu'en juillet il n'a pas gelé, les températures au bord du lac sont froides (10/15°C) mais pas négatives..<br /> je devrais re essayer les ocas, j'en ai planté il y a quelques années, mais vu la maigre récolte, je n'ai pas persévéré..<br /> cette année j'ai planté des topinambours, j'espère avoir de quoi faire un repas, LOL!<br /> j'irai sur tes liens, merci!
Répondre
C
j'y étais pendant mes études, ce qui fait plus de 40 ans, ha ha!<br /> je suis contente (mais je ne sais pas pourquoi...LOL) de partager le Pérou avec toi!!
A
Bonjour Catherine, merci pour ton commentaire. Quand je suis allée au Pérou il y a deux ans avec ma fille (elle est sur la dernière photo en train de contempler les pommes de terre à Aréquipa), il faisait bien froid (mais beau)au lac Titicaca, surtout la nuit. La semaine précédant notre arrivée, il avait gelé très fort pendant une longue période...une année n'est pas l'autre. Bonne récolte de topinambours, à bientôt
N
Bonjour :o) Je n'ai pas eu de chance cette année puisque mes plants de capucines tubéreuses et de glycine tubéreuse n'ont presque pas eu de feuilles, très certainement les trop fortes chaleurs depuis le Printemps voir avant. Peut être ne sont ils pas morts comme j'ai continué à les arroser, expérience ratée donc puisque je n'aurais rien cette année ! Ce n'est pas grave en soi bien sur :o) Bon week-end
Répondre