Qu'est-ce qui marche contre la mineuse du poireau ?
Vous en avez marre de cette saleté de mouche du poireau ? Moi aussi. Mais que faire ? Pour ne plus revivre le cauchemar de 2017, quand j'ai découvert des pupes immondes dans mes beaux poireaux, je me suis mise en quête de solutions afin de mettre au point un plan d'action.

La mouche mineuse du poireau a été repérée en Alsace en 2003 et a envahi la France, la Belgique et le sud de l'Angleterre, venant de l'Est (8,9). On en retrouve même, depuis peu, aux États-Unis (7). Souvent, notamment dans les forums, elle est confondue avec la teigne. Ces deux bestioles sont aussi détestables l'une que l'autre mais elles sont très différentes.
Un petit tableau nous permettra d'y voir plus clair :
On comprend facilement, après avoir lu ce tableau comparatif, que les moyens de lutte contre l'une et l'autre sont assez différents. Je me suis surtout appliquée à trouver des solutions contre la mouche mineuse, puisque c'est elle qui sévit chez moi. Je n'ai pas de remède miracle à vous proposer mais quelques pistes me semblent très intéressantes.
Il faut bien garder en tête que l'infestation peut avoir lieu au printemps mais aussi à l'automne.
Les adultes volent une première fois au printemps. Ils se posent sur les feuilles de poireau (ou de tout autre Allium, d'ailleurs) où ils réalisent une série de petites piqûres "de nourrissage". Ensuite, les femelles pondent au sommet des feuilles. Les œufs éclosent et les asticots creusent leurs galeries vers le bas dans l'épaisseur des feuilles. Une fois arrivés dans le "blanc" du poireau, les larves se transforment en pupes et restent dans la chair du légume jusqu'à l'automne. C'est à ce moment que la deuxième génération d'adultes émerge. Ils s'envolent, s'accouplent, pondent.. et l'histoire recommence.... dans des poireaux en principe plus gros.
Les pupes d'automne passent l'hiver dans le blanc du poireau.
Si on veut réagir, il est intéressant de prévoir les périodes de vol. Dans le tableau ci-dessus, il s'agit de "fourchettes" approximatives. On ne sait pas trop ce qui déclenche le vol des adultes : la température, la longueur du jour... ou un autre facteur.
Info intéressante : chaque période de vol durerait environ 6 semaines (2).
C'est l'idée qui vient tout de suite à l'esprit : mettre nos poireaux à l'abri de tous ces insectes volants (et piquants). Mais ce n'est pas forcément la plus simple à mettre en œuvre


Voici la solution la plus couramment proposée... et la plus efficace. Le voile doit être très fin, complètement étanche et ne pas toucher les feuilles. On en trouve par exemple chez Magellan.
C'est une méthode que je n'emploierai pas car je la trouve trop contraignante : il y a tant de légumes qui risquent de se faire attaquer par une bestiole volante (carottes, choux, poireaux...) que ce serait encore plus simple d'emballer tout le potager. Et puis, ça devient tout un bazar pour accéder à ses légumes. Enfin, un filet, c'est moche !
Heureusement, plusieurs études sont en cours afin de trouver une méthode permettant de se passer des voiles, coûteux et peu pratiques, également en maraîchage :

Le principe consiste à pulvériser une bouillie contenant de l'argile, du talc ou de la Kaolinite calcinée sur les poireaux afin d'empêcher les mouches de pondre dessus. Malheureusement, plusieurs essais ont été tentés mais aucun n'a démontré l'efficacité de cette méthode (1,4,12).
J'ai aussi trouvé une recette sur un blog (lien ci-dessous). D'après l'auteur et les témoignages dans les commentaires, la méthode semble efficace. Évidemment, ce n'est pas une étude scientifique mais qui sait... (OK, ça semble un peu trop beau pour être vrai).


On peut imaginer toutes sortes de substances répulsives pour tenir les mouches mineuses à distance de nos poireaux. Malheureusement, une fois de plus, l'efficacité de ces méthodes est rarement démontrée. Voici un inventaire de tout ce que j'ai trouvé:
L'association avec des carottes ou des céleris, réputés éloigner la teigne sont régulièrement cités. On trouve aussi, au rayon des plantes protectrice, la menthe, la citronnelle, le fenouil, la rue, la tanaisie. Rien n'empêche d'essayer. Esthétiquement, ça peut être une réussite et c'est déjà ça. Quant à l'efficacité réelle... ce n'est pas parce qu'une affirmation est répétée des dizaines de fois qu'elle est vraie... mais ça ne veut pas dire non plus qu'elle est fausse
Des tests de pulvérisation de talc associé à de l'huile essentielle de santoline (11) ou un mélange de menthe poivrée, citronnelle de java et lavande (12) se sont avérés totalement inefficaces (hélas !).
Plusieurs internautes conseillent la décoction d'ail. C'est vraiment une drôle d'idée puisque la mineuse pond uniquement sur les plantes du genre Allium. Il semble logique qu'une bonne odeur d'ail l'attire vers les poireaux ainsi traités.
Des pulvérisations de décoction ou de purin de rhubarbe sont souvent cités comme répulsifs contre différents insectes (pucerons, teigne... mouche du poireau)... et même pour éloigner les limaces. Pourquoi pas ? Cependant, une étude a été publiée à ce sujet : on dirait bien que ça ne marche pas ! (10)
Sur le net, on trouve parfois une affirmation et son contraire. Ainsi, "gamm vert" par exemple nous conseille des pulvérisations au purin d'orties alors que d'autres considèrent que cette préparation attire la dite mouche ! Allez savoir ! En fait, en cherchant un peu, tous les purins y passent, chacun estimant que "son" purin est le plus efficace (en vrac : purin de tomates, de consoude, de prêle, de sureau, et j'en passe).



On pourrait être tenté de les zigouiller à grands coups d’insecticides. Outre le fait que les asticots dans leurs galeries sont difficilement accessibles, ce serait une très mauvaise idée, j'explique pourquoi un peu plus loin. Par contre, Tadam ! Voici (enfin) THE méthode qui semble efficace :
Je me souviens que mon père faisait déjà ça pour lutter contre la teigne. Des essais réalisés en 2017 par le Comité Départemental du Développement Legumier (5) en Maine et Loire, semblent montrer que la méthode est efficace... à condition de couper au bon moment, c'est à dire au début de la période de vol :
- Trop tôt : les feuilles ont le temps de repousser et les mineuses préfèrent les feuilles jeunes tendres.
- Trop tard : ben c'est trop tard !
L'idéal, selon ces études, serait de couper entre le moment où les mouches ont pondu (piqûres sur les feuilles) et celui où les larves commencent leur périple vers le fût du poireau. On disposerait pour cela d'une période d'au moins quatre semaines entre la ponte et l'éclosion de l’œuf (13) et d'environ 20 jours avant que l'asticot atteigne le fond du poireau où il va se nymphoser.
Un "truc" pour détecter le début de la période de vol consiste à disposer à proximité quelques plants de ciboulette et de les surveiller à l’automne en recherchant les premières traces de piqûre.
Il vaut mieux utiliser des plants de ciboulette plantés en pleine terre plutôt qu'en pots car elles seraient alors plus attractives pour les mouches et constitueraient de meilleurs "pièges"(13).
Cela dit, couper les feuilles pourrait diminuer le rendement. Mais bon, c'est mieux que pas de rendement du tout !
Cette technique a été de nouveau testée en 2018 mais les résultats ne sont pas encore publiés (6).
La photo de gauche a été publiée dans Barringer et al 2018, Journal of Integrated Pest Management et représente des piqures de mouche mineuse en chapelets telles qu'on peut en observer sur des tiges de ciboulette (7). Ici, sur un oignon.

Les plaques jaunes engluées peuvent avoir une utilité pour détecter les périodes de vol... à condition de pouvoir distinguer les Phytomyza gymnostoma parmi toutes les autres bestioles engluées. A l'extérieur, l'utilisation de tels pièges pour empêcher la mineuse de pondre sur les poireaux me semble illusoire. En serre, ça pourrait peut-être marcher.
Des essais ont aussi été réalisés avec des bols jaunes remplis d'une solution savonneuse mais ceux-ci semblent peu attractifs pour Phytomyza gymnostoma.
Il n'existe pas de pièges à phéromones pour la mouche mineuse du poireau (mais il en existe pour les teignes).



On put trouver des insecticides, souvent qualifiés "doux", autorisés en culture bio. Comme l'huile de Neem ou le "spinosad". Ces deux produits ne sont pas dénués de dangers pour l'environnement (14), je pense que ça vaudrait la peine de leur consacrer tout un article. Mais, autre problème, ils sont efficaces sur tous les insectes et leur utilisation pourrait bien nous priver d'une solution toute simple qui nous vient... une fois de plus, de la nature.
Selon de nombreuses observations, lorsque la mineuse fait son apparition dans une région, son infestation est très intense pendant environ trois ans. Ensuite, elle devient progressivement moins virulente.
Des chercheurs Serbes ont montré en 1997 que dans leur région, là où Phytomyza gymnostoma sévissait déjà depuis plusieurs années, une minuscule guêpe appelée Halticoptera circulus a la bonne idée de pondre ses œufs dans les asticots de mouche du poireau. Vous connaissez ce genre d'animal : leur larve se nourrit tout bonnement de l'intérieur de leur hôte involontaire. C'est horrible, mais ça nous arrange car ce comportement peu moral réduirait considérablement les populations de mouche mineuse (8).
En France et en Belgique, il est possible (mis non confirmé) que Halticoptera circulus ou un autre hyménoptère du même style, soit en train de se répandre en suivant l'expansion de la mineuse. Ceci expliquerait la diminution des attaques observées après trois ans de présence de celle-ci.
Tout simplement, parce qu'en procédant ainsi, on tue l'ennemi naturel de la mouche mineuse et on se prive ainsi d'un allié précieux qui pourrait bien être la solution toute simple à notre problème de pupes dégoûtantes dans le blanc de nos poireaux.
Si, en novembre, nous retrouvons des pupes dans nos poireaux, il vaut mieux les arracher et les détruire afin d'éliminer les pupes... il faut faire bien attention qu'elles ne tombent pas dans le sol où elles pourraient passer l'hiver sans problème (pour elles). Ne pas mettre les plants atteints au compost, une pupe, c'est coriace (c'est prévu pour).
A propos des poireaux Saint Victor dits au ver (c'est à dire à la teigne). Je n'ai pas pu vérifier cette affirmation dans la littérature. Par contre, il semble bien que les "jaunes du Poitou" soient plus infestés par la mouche mineuse que d'autres variétés(10).
On peut aussi essayer d'éloigner les plantations des haies : certaines producteurs ont observé que les poireaux plantés près des haies étaient plus attaqués par la mouche que les autres (2).
J'en ai trouvé des bizarres : mettre quelques grains de poivre dans le fond du trou avant de repiquer, arroser avec un purin de lierre grimpant additionné d'acide citrique, ou en remplissant les vides entre les feuilles avec de la cendre de bois. Selon certains, un arrosage régulier à l'eau de javel serait efficace. Un internaute moqueur a même suggéré le napalm !

Faut-il le dire, ce n'est pas parce qu'une année on n'a pas "la mouche" que ça prouve l'efficacité de la méthode employée. Nous savons tous qu'un ravageur peut être infernal une année et ne pas même montrer le bout de son nez l'année suivante.
- Choix d'une variété (peut-être) résistante : Poireau Saint Victor (fait)
- Semis précoce à l'intérieur (début février) dans un cageot (fait)
- En février : plantation de ciboulette en pleine terre dans mes différentes planches.(fait)
- Sortie des semis A l'automne, en serre en mars-avril - cageot recouvert d'une moustiquaire. (fait)
- Repiquage en juillet en compagnie de carottes et de céleris, le plus loin possible de la haie.
- Dès l'apparition des premières piqûres sur la ciboulette, je couper les fûts à 5 cm du sol.
- Commencer une neuvaine.
Et pour le reste... qui vivra verra !
1. Sébastien Picault, Grégory Roy, François Villeneuve, Maxime Davy, CTIFL, Alexandre Burlet, SERAIL, Lutte contre les ravageurs du poireau (2e Partie), Techniques et stratégies de protection contre les mouches mineuses, Infos CTIFL , mars 2016. URL : http://www.ctifl.fr/ecophytopic/infos_ctifl/infos319/319p39p45.pdf, consulté le 04 février 2019.
5. Lutte contre la mineuse du poireau par fauchage – automne 2017, CDDL, PAys de Loire. URL : http://www.cddl.org/sites/default/files/page/1/documents/2017_mineuse_fauche.pdf, consultée le 04/02/2019
6.CDDL, Essais 2018 , URL : http://cddl.org/essais-2018, consultée le 05/02/2019
7. Lawrence E. Barringer, Shelby J. Fleischer, Dana Roberts, Sven-Erik Spichiger, and Timothy Elkner3, The First North American Record of the Allium Leafminer,, Journal of Integrated Pest Management, (2018) 9(1): 8; 1–8, doi: 10.1093/jipm/pmx034. URL : https://ento.psu.edu/publications/the-first-north-american-record-of-the-allium-leafminer, Consulté le 04/02/2019.
8.Yves bouchery, la mouche mineuse du poireau (Phytomyza gymnostoma): biologie et lutte, 2005, INRA Colmar. URL : https://prodinra.inra.fr/record/8310
9.La mouche mineuse des Allium, identifier et maîtriser ce redoutable ennemi, Le sillon Belge, 20/05/2016. URL : https://www.sillonbelge.be/art/d-20160518-G7TKDV. Consulté le 04 février 2019.
10.Compilation des comptes rendus annuels des essais conduits sur les mouches mineuses des poireaux 2014 – 2015 - 2016, Pays-de-la-loire.chambres-agriculture. URL : . Consulté le 06/02/2019
11. David Bouvard, Sandrina Deboevre, Jean-Michel Lhote, Samuel Menard, Estelle Ramondenc, Benoit Voeltzel - Résultats des essais 2015 – poireau essai d'efficacité d’un répulsif vis-à-vis de la mouche mineuse en AB. , ACPEL. URL : . Consulté le 06/02/2019
12.David Bouvard, Sandrina Deboevre, Jean-Michel Lhote, Samuel Menard, Estelle Ramondenc, Benoit Voeltzel, Résultats des essais 2015 - poireau essai d'efficacité de différentes stratégies de lutte contre la mouche mineuse en AB, ACPEL.
13.David Bouvard, Sandrina Deboevre, Jean-Michel Lhote, Samuel Menard, Benoit Voeltzel , ACPEL - résultats des essais 2016 – poireau lutte contre la mouche mineuse en AB améliorer les techniques de détection du ravageur.
14.EFSA (European Food Safety Authority), Arena M, Auteri D, Barmaz S, Brancato A, Brocca D, Bura L, Carrasco Cabrera L, Chiusolo A, Court Marques D, Crivellente F, De Lentdecker C, Egsmose M, Fait G, Ferreira L, Goumenou M, Greco L, Ippolito A, Istace F, Jarrah S, Kardassi D,Leuschner R, Lythgo C, Magrans JO, Medina P, Miron I, Molnar T, Nougadere A, Padovani L, Parra Morte JM,Pedersen R, Reich H, Sacchi A, Santos M, Serafimova R, Sharp R, Stanek A, Streissl F, Sturma J, Szentes C,Tarazona J, Terron A, Theobald A, Vagenende B and Villamar-Bouza L, 2018. Conclusion on the peer review of the pesticide risk assessment of the active substance spinosad. EFSA Journal 2018;16(5):5252, 33 pp. https://doi.org/10.2903/j.efsa.2018.5252