Le légume du dimanche : la laitue Saint Antoine
Quand j'écris des articles sur le potager, comme celui d'hier, c'est toujours pour moi une grande frustration car j'ai envie de vous montrer tout. J'essaye toutefois de me contrôler... mais j'ai du mal. Alors, en guise de thérapie, je me propose de vous parler chaque dimanche d'un légume ou d'une plante comestible de mon choix (ou du vôtre, pourquoi pas ?).
Pour lancer la série, je vais commencer par un légume a-priori banal : la laitue dont j'ai semé les graines aujourd'hui. Mais attention, ce n'est pas n'importe quelle laitue : c'est la "Saint-Antoine".
Aujourd'hui, bien qu'elle ne soit pas au catalogue officiel, les graines de cette laitue se trouvent facilement (voir adresses en fin d'article). Mais quand j'ai commencé à en semer, personne ne la connaissait... sauf dans les Ardennes où habite ma belle-mère Lucette qui m'a procuré les première graines, merci à elle.
Mais elle acquiert tout doucement une certaine célébrité puisqu'elle fait même la couverture du très beau livre de Lise Besème et Alain Huon " Légumes anciens des potagers de la Champagne-Ardenne" dans lequel un long article lui est consacré.
Nos ancêtres n'étaient pas du genre à se casser la tête pour donner des noms aux variétés. Celle-ci s'appelle "Saint Antoine" parce qu'on la semait traditionnellement à la Saint Antoine. Ne vous précipitez pas sur le calendrier ! Il ne s'agit pas ici de Saint Antoine de padoue (fêté le 13 juin) mais bien d'un autre Saint Antoine, aujourd'hui disparu des calendriers. On le fêtait autrefois le 17 janvier ! Eh oui, ça change tout.
Cela dit, il ne faut pas être à cheval sur les dates : tant qu'il ne fait pas trop chaud, ça va ! Saint Antoine reste stoïque sous la neige et le gel : on peut en manger presque tout l'hiver.
La Saint-Antoine est une lactuca sativa, c'est à dire une laitue pommée. Mais il n'est pas du tout nécessaire d'attendre qu'elle pomme avant de la consommer. Voici comment procédaient les maraîchers de Sainte Ménehould :
(Ils) la semaient à la volée et la récoltaient lorsque les plantes avaient seulement 6 à 7 feuilles: il la vendaient au poids, souvent par 100 grammes comme "petite salade" qu'on pouvait mélanger à d'autres variétés
Pratique, non ? On sème, on récolte la "petite salade" pour éclaircir et on laisse grossir les autres ! Enfin, on fait ça quand on a des graines car quand j'ai voulu en semer à l'automne 2019, impossible d'en retrouver. Heureusement, sur une étagère poussiéreuse, j'ai déniché un vieux sachet de 2012... que j'ai semé ! Quelques graines ont levé et je me suis bien gardée de manger les salades : je les ai laissées monter en graines... ce qu'elles ont fait bien gentiment cet été.
Vous me direz que si j'avais perdu ces graines, ce n'était pas une catastrophe et que je n'avais qu'à en commander des nouvelles. C'est vrai. mais celles-ci, j'y tiens, c'est sentimental. Ce ne sont pas des graines achetées mais des graines données... qui ne sont jamais passées par une filière commerciale. Autrefois, les gens se passaient des graines de jardinier à jardinier et il était bien rare qu'ils en achètent. Celles-ci ont donc une valeur toute particulière. Comme les fleurs étaient fanées et que des petits toupets blancs apparaissaient en masse à leur place, j'ai coupé l'extrémité des tiges et je les ai laissées sécher.
Les sachets en papier, c'est ce qui convient le mieux. Coupez les tiges quand le temps est très sec, quand c'est possible.
Aujourd'hui, un peu (trop) impatiente, j'ai décidé de tenter un semis. Il faut dire qu'une planche du potager était presque vide, et je n'aime pas ça !
Il reste ici deux plants de raw-ram, un jiaogulan, un Hablitzia tamnoides, quelques céleris à côtes rouges et un peu de cerfeuil. Il reste pas mal de place pour un petit semis de Saint Antoine. J'ai commencé par enlever le paillis.
Sur le sol tout juste ratissé, j'ai réparti les graines "à la volée" comme les maraîchers de Sainte Ménehould et j'ai juste "plombé" la terre avec le dos du râteau. Puis, j'ai arrosé. Et voilà !
Étant donné qu'on m'a posé la question aujourd'hui, je suppose que ce n'est pas si évident que ça. Mais la réponse est simple : elles sont juste en-dessous du petit toupet blanc qui subsiste au-dessus du réceptacle. Quand on l'enlève, on trouve les graines :
En fait, quand les graines sont mûres, elles tombent toutes seules (d'où l’intérêt du sachet). Il suffit de secouer les tiges sèches pour les récolter.
Je vais tout de même terminer par le plus important : c'est une très bonne laitue ! Elle est croquante et juteuse et elle a beaucoup de goût. Il existe aussi des recettes dans lesquelles on l'utilise cuite mais ça, je vous en reparlerai quand elle aura poussé et que je l’aurai cuisinée.
Encore une chose : vous verrez souvent écrit qu'il faut semer la Saint Antoine en mars-avril. C'est faux : on peut la semer toute l'année en évitant toutefois les mois de mai à août car il fait trop chaud. Une température un peu en dessous de 20°, c'est l'idéal. Mais les laitues germeront et pousseront (plus ou moins lentement selon les variétés), à des températures proches du 0°C. (Source : NC State Extension Publications, 2019, Horticulture Information Leaflets, North Carolina State University . URL : https://content.ces.ncsu.edu/lettuce).
Voici quelques liens :
Et pour ceux qui s'intéressent à ce Saint disparu du calendrier :
Si vous aimez le petit plat blanc en porcelaine genre "origami" dans lequel je fais tomber les graines, sachez qu'il s'agit d'une réalisation de ma très talentueuse prof de céramique Frédéricque Bigonville.
Je compte poursuivre cette série avec un légume, ou en tout cas une plante comestible, par semaine en donnant des informations soit sur le semis, soit sur leur culture ou la manière de les consommer et de les conserver. Avec, si possible, quelques anecdotes. j'espère que ça va vous intéresser
Et encore une fois toutes mes excuses aux personnes qui essayent de laisser un commentaire et qui n'y arrivent par pour cause de "Jeton brf invalide". Malgré mes plaintes répétées et celles d'autres "overblogueurs", il n'y a toujours pas d'amélioration.
Mais restons zen... à bientôt.