La gloire des neiges : un bulbe à floraison précoce peu fréquent dans les jardins
Pendant longtemps, je me suis limitée aux perce-neiges, aux crocus et aux jonquilles pour fleurir le printemps. Je suis un peu paresseuse quand il s'agit de planter des bulbes à l'automne et, surtout, je n'aime pas recommencer le même travail tous les ans.
Alors, je ne veux que des bulbes qui restent en terre et qui se naturalisent. Mais quand j'ai décidé de sortir un peu des grands classiques, j'ai réalisé qu'il y avait bien plus de possibilités que je ne croyais.
Je vous présente la gloire des neiges, qui parsème le jardin de ses étoiles bleues en ce début de printemps. Son nom latin sonne beaucoup moins joliment : "chionodoxa". Ce qui signifie... gloire des neiges.
Elle est toute petite, mais sa couleur est tellement intense, qu'on ne peut pas la rater.
Les quelques gloires des neiges de départ ont rapidement formé un tapis sous les arbres. L'association avec les narcisses est un peu criarde, mais au printemps, j'aime les couleurs vives.
Belle par tous les temps
En cette période, il gèle encore fréquemment. Cette nuit, le thermomètre est descendu à -3°. Mais, quel que soit le temps, la petite gloire des neiges reste stoïque et... imperturbablement bleue !
La gloire des neiges n'est pas exigeante et se naturalise très rapidement, si on la laisse tranquille. Elle est loin d'être aussi délicate qu'elle en a l'air !
J'ai planté les miennes sous les arbres. Au printemps, quand elles fleurissent, elles reçoivent le soleil toute la journée... enfin, quand il y en a. A cet endroit, la terre est bien légère et riche en humus.
Elles s'y plaisent bien mais j'en retrouve souvent qui se sont ressemées au milieu d'un passage à la terre compactée ou entre les pierres d'un escalier.
Derrière la maison sous une haie de charmes adultes, les chionodoxa profitent de la lumière avant l'apparition des feuilles.
Quand on trouve un semis spontané à plusieurs mètre de la plante d'origine, on pense tout de suite à un oiseau ou au vent. Mais on oublie presque toujours le rôle des fourmis. Pourtant c'est bien celles-ci qui disséminent la gloire des neiges. Ce n'est pas la graine en elle-même qui les intéresse mais une petite excroissance appelée elaiosome, particulièrement délectable... pour des fourmis ! En faisant leurs provisions, elles ramènent la graine avec son elaiosome dans le nid. L'elaiosome est mangé et, si l'endroit lui convient, la graine germe !
Bien sûr, les fourmis travaillent comme elles l'entendent et assurent une dispersion plutôt harmonieuse des graines. Mais quand elles sèment des chionodoxa en plein milieu du passage, soit on les écrase, soit on les déplace... Je préfère les déplacer !
Je transplante toujours les petits bulbes naturalisés lorsqu'ils sont en fleur... sinon, j'oublie et je ne les retrouve plus ! ça ne pose aucun problème de reprise.
Cette petite est au milieu du chemin, si on ne la déplace rapidement, elle sera impitoyable piétinée d'ici peu
Au passage, remarquez la profondeur à laquelle le bulbe est enterré. Dans les livres de jardinage, on conseille de planter les bulbes à une profondeur équivalent à trois fois sa hauteur, de qui correspond à 3-4 cm pour un aussi petit bulbe. Ici, il est bien plus enterré : au moins 10 cm ! A retenir lors de la plantation de bulbes à l'automne.
Il faut être prudent en enlevant la touffe : les bulbes sont beaucoup plus enterrés qu'on ne le croit.
Beaucoup de plantes ne poussent pas sous les noyers : elles ne tolèrent pas la juglone, une substance chimique présente dans toutes les parties de l'arbre. Mais chionodoxa s'en fiche complètement !1 . Tout comme les jonquilles botaniques, manifestement.
Une touffe de jonquilles s'est installée sous le noyer, les chionodoxa pousseront bien en leur compagnie.
Les botanistes sont des gens compliqués qui changent d'avis tout le temps. Ainsi, ils ne savent pas trop s'ils doivent mettre les chionodoxa dans un seul genre ou bien dans deux genres différents. Et savez-vous sur quoi ils basent leurs réflexions ?
Hé bien, dans le genre chionodoxa, les "filets", c'est-à-dire les petits pédoncules qui portent les anthères jaunes des étamines sont aplatis en forme de lamelles, tandis que chez les scilles, ils sont classiquement ronds !
J'ai sacrifié une fleur de chionodoxa (à gauche) afin de montrer les filets qui forment de petites plaquettes blanches portant les étamines au centre de la fleur. On voit mieux en cliquant sur la photo. A droite, une scille : on voit bien la différence.
La photo de scille n'est pas de moi : je n'en ai pas dans mon jardin. Je l'ai copiée sur inspiration verte, un beau site de vente de bulbes par correspondance.
C'est encore plus compliqué. Selon la RHS3, il existe six espèces différentes. Pour d'autres, il n'y en a que 3... Dans les catalogues de vente par correspondance et sur de nombreux sites on ne cite que deux appellations : Chionodoxa Fosbesii et Chionodoxa Caeciliae. Parfois, il s'agit de deux espèces différentes... et d'autres fois, ce sont des synonymes désignant la même espèce. De quoi se taper la tête au mur.
Pour encore compliquer un peu plus les choses, les chionodoxa s'hybrident avec les scilles et présentent une grande variabilité d'un plant à l'autre Jugez-en :
J'aurais tendance à penser qu'il s'agit de Chionodoxa Luciliae, c'est vraisemblable mais pas certain. Derrière ce nom, se cache une histoire... un peu triste. Elle concerne un botaniste Suisse appelé Edmond Boissier qui en 1844 décrivit cette "gloire des neiges" découverte dans les montagnes de l'Anatolie, en Turquie.
Celui-ci, plutôt fortuné, avait épousé sa cousine Lucile Butini, qui possédait de superbes yeux bleus (parait-il). Il donna son nom à cette jolie fleur en son honneur. Quelle belle preuve d'amour ! Ou alors, Il avait peut-être quelque chose à se faire pardonner...
Partageant le goût de son mari pour les plantes, Lucile l'accompagnait dans ses explorations botaniques, et c'est au cours de d'un de ces voyages dans le sud de l'Espagne qu'elle mourut de la fièvre typhoïde en 18492, laissant son mari éploré et deux enfants.
Par un glissement assez étrange, on retrouve la même histoire ici et là sur le net mais cette fois, c'est à sa maman qu'Edmond Boissier aurait dédié cette jolie fleur ! Celle-ci se prénommait Caroline (4), alors...le doute est permis !
La variété bleue est la forme botanique, mais il existe des gloires des neiges roses et blanches en vente par exemple chez Promesses de fleurs (voir le lien ci-dessous). Je préfère de loin les bleues, bien plus lumineuses, selon moi. Mais c'est une affaire de goût !
Résultats de recherche pour : 'chionodoxa'
Promesse de fleurs
https://www.promessedefleurs.com/solrsearch/result/?q=chionodoxa
3 espèces et 7 variétés de chionodoxa en vente chez Promesses de fleurs.
Les sources
1. Todd Leuty, Ministère de l'Agriculture de L'Ontario, Canada. En ligne. Url : www.omafra.gov.on.ca/french/crops/facts/info_walnut_toxicity.htm, récupéré le 20 mars 2017
2. A propos d'Edmond Boissier : Actes de la Société Helvétique des Sciences Naturelles, 1885. Version pdf consultée le 18 mars 2017. URL : www.e-periodica.ch/cntmng?pid=sng-005:1885:68::287
3. Sur les différentes variétés de chionodoxa : En ligne; URL : http://pacificbulbsociety.org/pbswiki/index.php/Chionodoxa, consulté le 20 mars 2017
4. Archives de la ville de Genève. URL : http://ge.ch/archives/
- Actes de mariage 1808 (mariage des parents d'Edmond Boissier)
- Actes de naissances 1810 (naissance Edmond Pierre Boissier)
- Actes de mariage 1840 (mariage de Pierre Edmond Boissier)
Acte de naissance d'Edmond Pierre Boissier à Genève le 25 mai 1810. E.C. Genève naissances 13, Image page 88
Signature des parents d'Edmond Boissier lors de leur mariage à Genève le 6 juillet 1808.E.C. Genève mariages 11, Image 53