Pourquoi il faut planter du rau ram dans son jardin
Regardez cette plante, et dites-moi ce qu'elle a d'extraordinaire :
Rien du tout, n'est-ce pas ? Elle ressemble comme deux gouttes d'eau à cette persicaire (renouée) qui pousse spontanément dans l'enclos des poules.
Mais ne vous fiez pas à son allure discrète : son goût est explosif ! Elle s'appelle Persicaria odorata (et jusqu'à il y a peu : Polygonum odoratum). C'est une plante originaire d'Asie : on en consomme beaucoup au Vietnam, au Cambodge, au Laos, en Thaïlande, etc...
On ne peut pas s'y tromper : c'est une persicaire. Et en bonne persicaire, le rau ram préfère les sols humides. Pas besoin pour autant de le planter au bord de la mare : il se plaît dans ce coin du potager en compagnie du cerfeuil.
Parmi les (nombreux) autres noms du rau ram, "coriandre vietnamienne" est sans doute un des plus connus. A juste titre, puisque son goût rappelle sans conteste celui de la coriandre. Mais en mille fois plus fort ...et en beaucoup plus complexe : on y retrouve des arômes de citron, de menthe, de poivre, de gingembre, de piment... Une merveille pour tous ceux qui, comme moi, aiment les saveurs exotiques. Cela dit, il n'est pas spécialement piquant. Il en faut très peu, quelques feuilles hachées ajoutées à un simple ragoût de poulet lui donnent tout de suite un petit cachet exotique. Mais il existe aussi des recettes plus sophistiquées. En voici une, trouvée sur un blog excellent de "recettes poétiques".
Et c'est là que nous sombrons dans l'anecdote comme j'aime bien. Ce "street food" est aux Vietnamiens ce que le cornet de frites sauce andalouse est aux Belges. J'explique : des œufs de canards sont mis à couver entre 18 et 21 jours, le temps qu'un fœtus encore mou se développe. Ensuite, ils sont bouillis comme des œufs durs. On les sert avec du gros sel, du citron et ... des feuilles de rau ram. Puis on savoure ça dans la rue. Regardez plutôt cette petite vidéo très explicite.
A priori, comme ça, c'est peu appétissant et les personnes qui filment la vidéo ne manquent pas d'exprimer leur dégoût. Rappelons-nous que nous mangeons des huitres crues. Vous avez remarqué le rau ram ?
On n'est pas obligé de le cultiver dehors. Il paraît que la coriandre vietnamienne pousse très bien en pot à l'intérieur. Même près d'une fenêtre orientée au Nord. Mais il faut arroser tout le temps et rempoter régulièrement : c'est quand même plus facile dehors.
Cela dit, le rau ram ne supporte pas le gel. Qu'à cela ne tienne, il se bouture très facilement (enfin, c'est ce que disent tous ceux qui ont essayé). Heureusement, je l'ai bouturé il y a quelques jours, juste avant les premières gelées. Ça m'a pris cinq minutes.
Le substrat employé est un mélange de terreau du commerce et de lave concassée. Mais j'aurais aussi bien pu utiliser du sable de rivière.
Et voilà : des boutures dans la terre et d'autres dans l'eau. Elles resteront dans l'entrée où il ne fait pas trop chaud. On verra si le raw ram mérite sa réputation.
En parlant de réputation...
Ne croyez surtout pas que je le fais exprès ! Il y a quelques jours je ne le savais même pas ! Je vais bientôt pouvoir commencer une petite collection de plantes anaphrodisiaques (pour ceux qui n'auraient pas suivi, voyez l'article sur la capucine tubéreuse).
Cela dit, j'ai trouvé bien peu d'informations à ce propos, sinon cette affirmation maintes et maintes fois copiée-collée :
Les moines bouddhistes en cultivent dans leur jardin privé pour les aider à supporter le célibat.
Mais bon, il y a encore moins de références sérieuses sur le sujet que pour la capucine tubéreuse : ni témoignage de voyageur, ni recherche scientifique. En tout cas, je n'ai rien trouvé (et je peux vous dire que j'ai bien cherché). Il faudrait demander à un moine bouddhiste.
C'est un sujet toujours un peu délicat, surtout quand on n'est pas spécialiste. Quoi qu'il en soit, elle est utilisée en médecine traditionnelle pour traiter les plaies, les ulcères et également les problèmes digestifs. Des études scientifiques ont démonté que l'extrait de rau ram était capable d'inhiber le développement de certains microbes (1).
Selon une autre étude (Kampa et al., 2007), citée dans l'article ci-dessus, différents constituants présents dans le rau ram, notamment la rutine, lui conféreraient des propriétés anti cancéreuses.
Par ailleurs, le rau ram a des vertus antioxydantes(1).
Voilà bien des promesses, qui gagneraient à être vérifiées par des études scientifiques sérieuses.
Le titre de cette chanson est rau ram. Mais si on tend l'oreille, on peut entendre que rau ram se prononce "Zao zam" (j'ai vérifié) ! Hé oui, le vietnamien doit être une langue assez compliquée. Si, par hasard, vous ne comprenez pas tout, vous pouvez passer les première minutes de dialogue. Mais c'est dommage, parce que ça a l'air rigolo.
Si quelqu'un comprend les paroles, s'il vous plait, dites-moi de quoi ça parle : googletraduction n'est pas très performant quand il s'agit de traduire du vietnamien en Français.
Et pour finir en beauté, voici une vidéo de Luc Noël qui nous présente le rau ram : c'est plus compréhensible, mais sans doute un peu moins poétique
Alors, qui va planter du rau ram au printemps ?
A part les liens déjà cités plus haut, voici deux articles qui semblent sérieux sur Persicaria Odorata :
1. http://www.academicjournals.org/journal/JMPR/article-full-text-pdf/A854CB115293
2. http://jprsolutions.info/files/final-file-5758febc4fd862.68803621.pdf