Graines de soucis (calendula) : quelles sont les bonnes ?
Figurez-vous que je viens d'apprendre que les soucis produisaient trois sortes de graines différentes... ou sept ! Enfin, ça dépend. Vous me direz : "Et alors ?".
Et alors... je vais vous expliquer. Mais avant, regardez ceci :
Hé oui ! Tout ça, ce sont des graines de souci. Du même souci ! Il parait que ce phénomène est fréquent dans sa famille : celle des astéracées (pissenlits, marguerites, asters, etc.). J'avoue que je n'avais jamais remarqué !
Avec un peu de patience, on peut s'amuser à les classer :
On va y revenir mais avant de continuer, je vous propose une petite pause afin de vous présenter mes calendulas :
Jolis, non ? Avant, je n'étais pas trop "calendula". Mais il faut avouer que ceux-ci ont de l'allure. Je les ai reçus grâce à une distraction d'Isabelle (A Little Bit of Paradise) qui m'a confondue avec une autre Annick . Ceux-ci, je les aime : lumineux mais pas criards, juste comme il faut ! Voilà pourquoi j'ai récolté leurs graines et voilà aussi pourquoi, devant toutes ces formes différentes, je me suis posé la question : "Mais c'est lesquelles les bonnes ?" (Quand je me parle à moi-même, je ne fais pas trop attention à la grammaire). Réponse : toutes !
Pas de déchets dans le capitule mûr du souci ! Il n'y a que des "bonnes" graines (enfin, des akènes : voir la note en bas).
Multiplier les modes de dispersion
Cette diversité des formes n'est pas un "caprice" de la nature : chez la plupart des plantes, les graines sont dispersées par un seul agent : le vent, les animaux, etc. Mais les soucis jouent sur plusieurs tableaux en multipliant les mode de dispersion (2,3). Voyez plutôt :
Les grandes graines épineuses s'accrochent dans le pelage (ou le plumage ?) des animaux qui les transportent au loin.
Les graines bombées en forme de coquille sont emportées par le vent ou flottent sur l'eau en cas de forte pluie.
Les toutes petites graines repliées en anneau tombent simplement sur le sol (et sont peut-être aussi emportées par les fourmis, mais ça reste à vérifier).
Il existe des formes intermédiaires, voilà pourquoi, selon les sources, le nombre de catégories varie de trois à sept (1,2,3,4).
Cette diversification des modes de dispersion, permet à une espèce de se maintenir dans des biotopes souvent perturbés ou difficiles (2) : les chances que quelques graines trouvent, malgré tout, les conditions qui lui conviennent pour germer et se développer sont multipliées !
Pas mal, hein ? Mais ce n'est pas tout ! Les graines du calendula ont aussi des comportements différents. Une équipe de chercheurs espagnols a publié une étude très intéressante sur le souci des prés (Calendula arvensis)(2). Les résultats peuvent très probablement être extrapolés à notre souci des jardins (Calendula officinalis)(5).
Une dissémination échelonnée
C'est bien visible sur la photo suivante : certaines graines sont déjà mûres alors que d'autres sont encore vertes.
Dans un premier temps, les petites graines annulaires du centre mûrissent et tombent sur le sol. Ensuite, le réceptacle change de forme et les grandes graines de la périphérie s'écartent : elles sont ainsi plus susceptibles d'être "embarquées" par un animal qui passerait par-là, ou, selon le modèle, emportées par un coup de vent. Les longues graines épineuses restent aussi plus longtemps attachées au réceptacle que les autres. (2)
Une germination échelonnée, aussi...
La même équipe a réalisé des tests pour déterminer s'il y avait une corrélation entre les différentes formes de graines et leur germination. Eh bien oui !
Les grandes graines qui voyagent portées par des animaux ou par le vent donnent naissance à des plantules plus vigoureuses et sont capables d'émerger même si elles sont profondément enterrées. Les plus petites, qui tombent sous la plante, ont un taux de germination plus faible et donnent naissance à des plantes moins vigoureuses, qui fleurissent plus tard. En conséquence (petit bonus pour ceux qui sont arrivés jusqu'ici), peut-être que le jardinier aurait tout intérêt à choisir les grosses graines plutôt que les petites en forme d'anneau. Mais rappelons qu'il s'agit d'essais en laboratoire, réalisées sur Calendula Arvensis. (2).
Parmi les graines de soucis tombées au sol dans le potager, certaines ont déjà germé, d'autres attendront sans doute le printemps ou... bien plus longtemps. !
Ces chercheurs ont aussi remarqué que, malgré des conditions favorables, certaines graines n'avaient pas germé du tout. Ils se sont employés à les disséquer et ils ont découvert que presque toutes contenaient un embryon parfaitement viable. Elles étaient simplement restées en dormance. Dans la nature, ces graines "dormeuses" rejoignent la banque de graines du sol : cette multitude de semences de toutes sortes qui restent enterrées parfois pendant des années en "attendant leur heure".
Est-ce que tout ça n'est pas ingénieux ?
Il y aurait encore bien des choses à dire sur le souci. En particulier sur ses vertus médicinales pour les humains et pour les plantes. Mais j'ai choisi de me limiter à cette histoire de graines différentes dont j’ignorais tout et qui m'a passionnée pendant quelques jours. J'espère que ça vous aura intéressé aussi... mais peut-être que vous étiez déjà au courant !
Note absolument pas importante :
Tout au long de cet article, j'ai parlé de graines. En fait j'aurais dû employer le terme akènes car il s'agit de fruits (des akènes) : la graine est à l'intérieur.
Cette particularité qu'ont les akènes de soucis d'être dispersés par des agents différents s'appelle l'hétérochorie et la diversité de leurs formes, c'est l'hétérocarpie puisqu'il s'agit de fruits (pour les graines, on dit hétérospermie). La dispersion par les animaux est la zoochorie (exozoochorie quand la graine reste à l'extérieur de l'animal, par exemple dans ses plumes ou ses poils). Il existe toutes sortes de zoochories selon l'animal. Quand il s'agit de fourmis, c'est de la myrmécochorie. Quand les graines/akènes sont dispersés par le vent, on parle d'anémochorie et si ils tombent bêtement par terre sous l'effet de la pesanteur c'est la barochorie.
Vous aurez remarqué, j'espère, qu'on pouvait parfaitement se comprendre sans employer ces mots "savants".
Sources et infos complémentaires
(1)Heyn, C. C., & Joel, A. (1983). Reproductive relationships between annual species of Calendula (Compositae). Plant Systematics and Evolution, 143(4), 311–329. doi:10.1007/bf00986612
(2)Ruiz De Clavijo, E. (2005). The reproductive strategies of the heterocarpic annual Calendula arvensis (Asteraceae). Acta Oecologica, 28(2), 119–126. doi:10.1016/j.actao.2005.03.004
(3)Silberfeld thomas , le soucis des jardins, Abeilles et Fleurs n° 754 - Novembre 2013, URL : https://www.abeillesentinelle.net/imgfr/files/plantes_melliferes_754.pdf
(4)Soliman, M., Rizk, RMH., Rizk, RMA. (2008). The impact of seed polymorphism of plant genetic resources on the collection strategy of gene banks. Global J. Biotechnol. Biochem 3 (1), 47-55 URL : https://pdfs.semanticscholar.org/22e2/542f1cb471fb33b95b418117eccd6448cfb7.pdf
(5)Joly, R., Forcella F., Peterson D., Eklund J. (2013), Planting depth for oil seed calendula. Industrial Cropsand Products 42, 133–136. URL : https://pubag.nal.usda.gov/download/54531/PDF