Maintenant je sais : le maïs noir du Pérou (morado) a une photopériode
Je rêve depuis deux ans de récolter des épis de maïs noir du Pérou. C'est une variété mythique qui permet de préparer une boisson péruvienne typique : la chicha morada. Et moi, j'aime la chicha morada.
Malheureusement, une première tentative dans la serre l'année passée ne m'a permis de récolter qu'un seul épi mûr mais déformé. C'est celui de gauche, sur la photo.
Alors cette année, j'ai fait un essai à l'extérieur, selon le principe des "trois sœurs".
Les liens vers les articles sur le sujet sont en bas de la page.
Bon, autant vous montrer ça tout de suite : voilà ma récolte de maïs récolte de cette année.
Oui, je sais, ça fait pitié ! C'est même relativement décourageant. J'aurais dû le comprendre plus tôt mais il semble qu'en jardinage aussi, on ne voie que ce qu'on veut bien voir. Pour tout vous dire, le maïs noir est sensible à la photopériode (en gros : à la longueur du jour).
Pour ceux et celles qui n'auraient jamais entendu parler de photopériodisme, j'ai expliqué ça dans l'article dont le lien est ci-dessous. En résumé : la longueur du jour (ou de la nuit) induit certains phénomènes chez une plante : la chute des feuilles, la floraison, etc... Chez les ocas, par exemple, la formation des tubercules commence quand les journées durent moins de 12 heures, c'est à dire en automne.
Les maïs cultivés chez nous depuis le 17e siècle ont perdu ce caractère photopériodique hérité de leurs lointains ancêtres Sud-américains. Leur culture en est grandement facilitée dans nos pays où l'arrivée des jours courts annoncent les premiers gels.
Mais il se trouve que les maïs "d'origine" ont conservé cette caractéristique. Ils sont toujours cultivés dans les régions tropicales où cela ne pose pas de problème. Je le savais ! Pourquoi n'ai-je pas pensé que c'était aussi le cas du maïs morado qui vient du Pérou ?
Il se peut aussi que la variété soit à jours courts (commence à fleurir l'automne)
Pourtant, tout avait bien commencé : mes maïs poussaient, poussaient... jusqu'à atteindre une hauteur de 4 mètres ! Parfaits comme rames à haricots, il faut bien le reconnaître. De ce côté là, ils ont parfaitement rempli leur rôle.
Et puis au mois d'août, des étamines ont commencé à apparaître : chouette ! Ce sont les petits toupets en haut des tiges.
C'est à ce moment-là que j'ai commencé à m'inquiéter : alors que les maïs dans les champs commençaient à arborer des beaux épis de plus en plus rebondis, sur les miens, on ne voyait rien de rien !
Début octobre, il n'y avait déjà plus de pollen dans les étamines et certains plants de maïs avaient mal résisté au vent : j'ai dû les couper !
Et puis un jour, un voisin, ingénieur agronome, a fait cette réflexion : "Est-ce qu'ils n'auraient pas une photopériode ? ". Ça a quand même fini par faire tilt dans mon cerveau !
Voilà, c'était ça ! Du coup je me suis rappelée que, l'année dernière, seul le maïs situé le plus à l'ombre avait fructifié dans la serre. Et cette année, le seul épi un peu développé a poussé sur le pied situé le plus au Nord. C'est à dire à l'ombre des autres ! S'il est besoin de préciser, à l'ombre on reçoit moins de lumière, n'est-ce pas ?
Les premiers épis ne sont apparus que début octobre. A partir de ce moment, ils ont grossi très vite... mais pas assez !
En ce mois de novembre, même la jardinière les plus optimiste ne peut plus croire que ses épis de maïs grossiront encore. Mais j'espérais quand même récolter au moins quelques grains mûrs... Même pas !
Mi-novembre, les quelques maïs qui n'ont pas été renversés par les orages ont fini leur vie : la "récolte" peut commencer. Oui, enfin, pas terrible, la récolte !
QUOI ? Après tout ça, elle n'abandonne pas encore ! Hé, c'est que je suis têtue, moi. Et puis je ne risque pas ma vie en faisant un troisième essai. Donc, disais-je, l'année prochaine je les planterai à l'ombre ! Je sais que mes chances de succès sont ténues mais après tout, pourquoi pas ? J'ai remarqué que les capucines tubéreuses (qui tubérisent aussi en jours courts), produisaient plus quand elles poussaient dans la partie du potager qui est à l'ombre. Est-ce dû à l'humidité plus élevée où à la luminosité plus faible ? je n'en sais rien.
Le plant de capucine tubéreuse qui pousse à l'ombre de la haie a donné une très belle récolte de gros tubercules.
Chez le maïs "morado", ce ne sont pas seulement les épis qui contiennent des anthocyanes (le pigment violet si recherché) mais l'ensemble de la plante et notamment la pulpe des tiges. Seulement, je me suis rendu compte que les plants situés le plus à l'ombre en étaient presque dépourvus. Une exposition au soleil serait-elle indispensable à la synthèse de ce colorant ? Dans ce cas, ils n'en produiront pas à l'ombre !
Peut-être certains d'entre vous ont-ils réussi cette culture en Belgique ou dans le Nord de la France ? Si c'est le cas, vous imaginez à quel point j'aimerais recevoir vos conseils.
Je n'ai malheureusement trouvé qu'une seule publication sur le sujet qui m'intéresse : il s'agit d'un essai réalisé en République tchèque. En 2014, des chercheurs de la faculté d'agronomie de Brno ont testé la possibilité d'acclimater le maïs morado (et certaines variétés de quinoa) dans cette région. Les variations de la longueur du jour et le climat y sont assez semblables aux nôtres.
Les auteurs affirment que le maïs testé et le quinoa peuvent être cultivés en république Tchèque. Moi je veux bien mais les résultats publiés s'arrêtent à la production des étamines (un peu en retard par rapport au Pérou). Ensuite, mystère et boule de gomme : l'article ne donne aucune indication sur une éventuelle récolte d'épis. (Les références sont ci-dessous, si vous comprenez autre chose, dites-le moi !)
Chez le maïs, chaque plant porte les organes des deux sexes mais à des endroits différents :
Les étamines sont sur des plumeaux au sommet. Quand le vent secoue le plant, le pollen s'échappe et s'envole.
Plus bas sur la tige, apparaissent des cônes qui contiennent les fleurs. Celles-ci sont toutes petites mais on un style très long. Ce sont les filaments qui émergent du cône : chaque filament correspond à une fleur et, si tout va bien, à un futur grain de maïs.
Quand un grain de pollen tombe sur un style, il peut féconder la fleur.
On peut se dire que le grain de pollen est bien chanceux de tomber justement sur le style. C'est vrai, mais il y en a tellement (plusieurs millions par plante), que la probabilité est, finalement, assez élevée.
Allez, c'est fini, on ne pense plus au maïs morado... jusuq'à l'année prochaine.
A bientôt et encore toutes mes excuses pour l'erreur de ce matin.
Leiter Granda, Amparo Rosero, Deisy Rosero, Guillermo Corredor, Blanka Kocourkova, Radim Cerkal, Studying the Adaptability of Zea mays ssp. Peruvian Morado and Chenopodium quinoa Willd. to Temperate Conditions for European Agricultural Diversification, MENDEL N°2014 consulté en ligne le 20 novembre 2017. URL : https://mnet.mendelu.cz/mendelnet2014/articles/50_granda_cruz_1033.pdf