Le jardin de la biodiversité à Freux
Il y avait trois visites prévues ce dimanche dans le "jardin de la biodiversité" de Monsieur et Madame Dabe, à Freux, près de Libramont. Je suis allée à la première en me disant qu'il y aurait moins de monde. Mais c'est déjà une belle petite troupe qui a suivi studieusement les propriétaires pour la visite de leur immense jardin.
Bon allez, disons-le : a-priori, ce n'est pas trop mon style. Moi qui aime le fouillis exubérant, je me suis sentie un peu désemparée devant les lignes tracées au cordeau, les bordures impeccables et l'absence absolue de mauvaises herbes.
Et pourtant, voyez-vous comme il faut se méfier de ses premières impressions, ce jardin est conduit de façon à respecter la nature et à favoriser la biodiversité. Il est aussi très productif et bourré d'astuces : je vais vous expliquer tout ça.
Tout le pourtour de ce vaste terrain est bordé par une large haie d'arbres indigènes ou de fruitiers.
Celle-ci abrite toutes sortes d'aménagements pour la faune :
Une construction en pierres plutôt esthétique qui, j'imagine, constitue également un refuge pour les lézards
Il y a aussi quelques aménagements destinés aux humains comme ce "bar naturel" où, paraît-il, la bière reste bien fraîche :
Et partout, des zones laissées plus naturelles, mais tout de même rigoureusement contrôlées, témoignent de la volonté qu'ont les propriétaires de faire de leur jardin un lieu d'asile pour la vie sauvage :
Des aménagements de plus en plus fréquents dans les jardins : une "bande fleurie" et une zone de prairie fauchée une fois par an.
Et puis, occupant presque toute la surface, il y a le potager :
Il est tout simplement gigantesque : rien qu'en le regardant, je me sens fatiguée. Vous avez vu les bordures impeccables ? Elles sont comme ça partout. Bien-sûr, les lignes sont tracées au cordeau et on chercherait en vain une mauvaise-herbe. Monsieur et Madame Dabe y consacrent en moyenne quatre heure par jour (chacun !). En cette période, c'est plus souvent huit heures. Cela représente tout de même seize heures d'entretien quotidien ! Un vrai travail à temps plein !
Peut-être êtes-vous étonnés par la terre nue ? Monsieur Dabe nous explique qu'il préfère éviter le paillage car il craint la pourriture pour ses oignons. Mais ailleurs, le sol est recouvert partout de tontes de pelouses. Comme ici, entre les choux...
Tiens, en parlant de choux... ceux-ci semblent appréciés des piérides.
Là où d'autres se seraient précipités pour écraser les chenilles sacrilèges, Monsieur Dabe ne se démonte pas : il connaît un "produit-miracle". Il s'agit du conserve, à base de spinosad, qui est autorisé en agriculture biologique. Moi qui n'arrive pas à avoir le moindre chou pour cause de piéride, vous comprenez bien que j'ai enregistré l'info ! Hélas, renseignements pris, ce produit s'avère très toxique pour les abeilles et les bourdons (2). En conséquence : pas de spinosad dans mon jardin !
Petite précision ajoutée par la suite : Monsieur Dabe m'a précisé dans un mail qu'il était possible de préserver les abeilles en traitant avant ou après la floraison, comme précisé sur la notice.
Par contre, voici une autre astuce que je vais m'empresser de copier (enfin, quand il fera moins chaud !) :
Il s'agit d'une astuce très maline pour conserver les légumes tout l'hiver : dans une petite cabane, des "boisseaux" sont enterrés et recouverts d'un couvercle isolant. Je ne savais pas ce qu'étaient des "boisseaux" et, comme je ne voulais pas avoir l'air stupide... je n'ai pas demandé. Mais Google m'a renseignée : ce sont des éléments en béton qui coûtent trois fois rien dans les magasins de bricolage.
Mais continuons notre petit tour : il y a encore bien d'autres choses à voir. La basse-cour, par exemple qui, en plus de multiples poulets, abrite deux canards coureurs indiens.
Astuce intelligente : l'enclos en longueur leur permet de courir et de justifier ainsi leur nom. De temps-en-temps, ils sont lâchés dans le potager afin de le débarrasser de ses limaces.
Mais retournons au potager. Sa gestion est tout aussi méticuleuse que ses bordures : il est composé de deux bandes parallèles cultivées alternativement pendant deux ans.
Pendant les deux années où elle n'est pas mise en culture, la terre est semée de sarrazin qui sera tondu puis incorporé superficiellement dans le sol par fraisage au motoculteur. Le terrain recevra ensuite une couche de compost. Grace à une autre rotation au sein de la zone cultivée, Monsieur Dabe est certain qu'une espèce donnée n'occupera le même emplacement que tous les... douze ans ! ça, c'est de l'organisation !
Parfaitement plate, parfaitement rectangulaire et parfaitement débarrassée de ses mauvaises herbes grâce à la technique du "faux semis", la partie non-cultivée vient d'être ensemencée en sarrasin.
Allez, on continue : qu'est-ce que je ne vous ai pas encore montré ? le compost ? le voilà :
Je ne les ai pas comptés mais le jardin compte plusieurs cylindres comme celui-ci. Après un an ou deux, le compost est mis en tas (immense, comme vous imaginez), avant d'être épandu.
Ah ! Et puis la serre, bien-sûr ! Vous remarquerez que tous les plants ont exactement la même hauteur ! Mais comment font-ils ?
Pour terminer ce grand article, je vous laisse découvrir cette "exposition" des différents produits utilisés dans ce jardin. J'avoue que je ne suis pas trop "produits" : souvent, même sils sont "bio", ils tuent le remède en même temps que le problème. Mais il y en a un qui m'a interpellée , c'est le purin de limaces.
La technique consiste à faire pourrir des limaces dans l'eau pendant 10 jours. On obtient un liquide infect et nauséabond et insupportable et puant. On le filtre filtre puis on ledilue à 10% avant de le pulvériser...de préférence pas sur ce qu'on va manger prochainement ! (2). Je l'ai fait... UNE fois il y a longtemps. C'est vrai, c'est efficace ! Mais l'odeur est insupportable ! A côté, le purin de consoude est une délicate fragrance.
Bien, c'est fini ! Cette visite était super-intéressante. Même si je suis bien plus paresseuse et fantaisiste que Monsieur et Madame Dabe, j'ai admiré leur travail et toutes leurs astuces qui leur permettent de se nourrir presque uniquement avec leur grand jardin. Alors, je leur tire mon chapeau !
Allez, moi, je retourne lire un peu dehors !
Monsieur et madame Dabe ouvraient leur potager dans le cadre des portes ouvertes de Nature et Progres. Il y a des jardins à visiter pendant tout l'été un peu partout en Belgique francophone. Le lien est ci-dessous :
(1) Catherine Mazollier, Le spinosad : un nouveau produit insecticide utilisable en AB - MARAICHAGE BIO INFOS n°55 - juillet - août 2008, pdf : http://abiodoc.docressources.fr/doc_num.php?explnum_id=345
(2)Fernanda voulgaropoulos, Purin de limaces maison, blog : lesdoigtsfleuris, URL : https://www.lesdoigtsfleuris.com/index.php/2016/05/31/purin-de-limaces-maison/