Mes tomates ne mûrissent pas, que faire ?
Mes tomates sont belles, elles sont grosses, elles pètent la forme mais... elles ne mûrissent pas ! C'est crispant ! Encore pire : je tombe à tout bout de champ sur des photos de tomates bien mûres par cageots entiers, toujours accompagnées d'un petit commentaire : "la récolte du jour". Les réactions sont aussi admiratives qu'originales : "magnifique !", génial !", "belle récolte !".
Et moi, alors ? Elles restent toutes vertes, mes tomates. Qu'est-ce que je peux faire ?
D'abord, respirer un bon coup ! Se détendre... se rappeler que le jardinage n'est pas une course, ni un concours et que je fais ça pour le plaisir. Ça va mieux ? Ah oui, ça fait du bien !
D'autant plus que la colère est mauvaise conseillère et que le désespoir aveugle le jugement (parait-il). C'est dans ces cas-là qu'on en viendrait vite aux conclusions hâtives et aux bêtises qui en découlent. Je vous fais une petite liste :
Mes tomates manquent de lumière : je vais couper des feuilles
Erreur ! profonde erreur ! La lumière est indispensable à la croissance des plants de tomates mais n'influence pas le mûrissement des fruits. En enlevant des feuilles comme ça, on affaiblit le plant. Tout ce que ça peut apporter, c'est un coup de soleil.
Mes tomates sont trop petites, je vais les arroser encore plus
Ça semble logique : les tomates commencent à mûrir lorsqu'elles ont atteint une taille suffisante. On se dit qu'en arrosant plus, elles vont grossir plus...
Mais ça ne marchera pas ! Le fruit élabore ses structures et synthétise ses réserves à son rythme. Le processus qui déclenche le mûrissement ne commence que lorsque les graines ont atteint un certain niveau de maturité. Ce déclenchement est assez complexe et n'est pas parfaitement connu. On sait qu'il fait intervenir l'activation de certains gènes (1). Ce n'est pas en l'arrosant plus que ça ira plus vite ! Bon, évidemment, si le plant meurt de soif, c'est une autre histoire !
Mes tomates ont faim. Vite ! je vais leur donner de l'engrais
Et bien non ! Certes, il faut que la plante dispose de toutes sortes de nutriments pour pousser et pour que fruits grossissent. Mais l'engrais, de quelque sorte qu'il soit, n'a pas d'influence sur la vitesse mûrissement. Et de toutes façons, ce n'est pas la peine d'exagérer avec ça : un bon sol et un petit coup de purin de consoude de temps à autre sont largement suffisants !
Pour aller plus vite, je vais couper mes tomates et les faire mûrir à l'intérieur
Si, si ! Il y en a qui font ça. Et pas seulement en fin de saison. C'est vrai qu'enfermées dans un sac en papier en compagnie d'une banane, à une température ambiante de 20°, on a des chances de faire mûrir ses tomates plus vite. A condition qu'elles soient suffisamment avancées. Mais quelle complication. Et puis où est le plaisir de cueillir de bonnes tomates bien juteuses ?
Ben oui, mais je fais quoi moi, alors, si mes tomates sont en retard ?
D'abord, est-ce qu'elles sont vraiment en retard ? Ce sont peut-être les autres qui sont en avance ! D'une région à l'autre, d'une variété à l'autre, d'un modèle de serre à l'autre, l'apparition des premières tomates mûres est variable. Mais c'est pourtant vrai que je commence à rêver de tomates/mozzarella et que j'aimerais bien activer un peu les choses. Je me suis donc mise en mode "recherche" pour comprendre comment une tomate mûrit. C'est là que ça devient un peu technique... mais intéressant.
A un moment donné de sa vie, la jeune tomate, encore verte mais ayant atteint un degré d'avancement suffisant, se met à respirer très fort (elle consomme tout à coup beaucoup plus d'oxygène que d'habitude). C'est le signe que ça commence ! (5)
Nous, nous ne remarquons rien, mais dans les cellules, c'est le branle-bas-de-combat : la production d'éthylène atteint des sommets. L'ethylène est un gaz tout bête mais aussi une hormone qui déclenche toute une série de réactions compliquées. En fin de compte, ce qu'on attendait arrive : la tomate dure, verte et âcre devient tendre, sucrée et colorée : elle est mûre !
Mais l'éthylène, c'est encore bien plus fantastique ! D'abord, c'est un gaz. Dans la tomate, il est dissous mais, en bon gaz, il est plutôt volatil et se diffuse allègrement dans l'atmosphère alentours... jusqu'aux tomates voisines. Et si les voisines sont prêtes, elles aussi se mettent à mûrir. Et vous savez ce qui est encore plus étonnant ? En présence d'éthylène, une tomate en train de mûrir fabrique encore plus d'éthylène !(4)
Et voilà pourquoi, souvent, quand une tomate commence à mûrir, les autres suivent dans la foulée... et on se retrouve à crouler sous les récoltes, à faire des coulis, du ketchup...
SAUF SI ...
Ben oui, il fallait s'en douter : il y a des cas où ça ne marche si bien et notamment lorsque...
La température est trop élevée
Au-delà de 34-35°C, la production d'éthylène s'arrête ! Du coup, le mûrissement connaît un coup d'arrêt. Ce n'est pas bien grave car il reprend de plus belle dès que la température redescend... mais faudrait pas que ça dure trop longtemps !(2)(3)
La température est trop basse
D'après les informations que j'ai trouvées, c'est entre 22 et 25° que la production d'éthylène est à son maximum. En-dessous et jusqu'à 10°, le fruit peut encore mûrir... mais de plus en plus lentement.(2)(3)
Quand il y a du vent
Il parait qu'en dispersant l'éthylène, le vent ralentirait le mûrissement des tomates. Ça parait logique mais de toutes façons, dans une serre, il y a très peu de vent !
Bon, vous avez compris, dans ma petite serre, je ne peux pas faire grand-chose pour accélérer la maturation de mes tomates. Je me contente de répandre de l'eau dans l'allée centrale quand il fait trop chaud : la température descend de 2 ou 3°C.
J'essaye aussi de ne pas laisser la température baisser trop fort pendant la nuit : cela consiste essentiellement à fermer la porte le soir !
Sinon, je les encourage verbalement et même parfois je leur chante une petite chanson entraînante. Et puis, je les laisse en paix !
Et en attendant de récolter des cageots de tomates mûres, je mange des carottes, des petits pois, des courgettes et des salades. C'est bon aussi !
IMPORTANT Je n'envisage ici que le cas où les plants sont bien verts, en bonne santé et sur lesquels les fruits, nombreux, grossissent normalement. Mais vous les connaissez : les tomates peuvent avoir toutes sortes de problèmes bien plus graves qu'un mûrissement un peu lent à démarrer. Dans ces cas-là, il est souvent important de comprendre ce qui se passe et de réagir. |
Les sources
(1) Merry Buckley, Process that controls tomato ripening discovered, January 30, 2013, Cornell University, URL : https://phys.org/news/2013-01-tomato-ripening.html#jCp
(2) Tom@totifou, Influence de la Température sur la Culture de la Tomate, URL : http://www.tomatofifou.fr/culture/culture-de-la-tomate/influence-de-la-temperature
Un site intéressant sur les tomates. Dommage que les sources ne soient pas plus souvent citées.
(4)Frederick B. Abeles, Page W. Morgan, Mikal E. Saltveit, Jr., Ethylene in Plant Biology, Academic Press, 2 déc. 2012
(5) La crise climactérique des fruits enfin élucidée, INRA, 23/02/2017, URL : http://www.bordeaux-aquitaine.inra.fr/Toutes-les-actualites/La-crise-climacterique-des-fruits-enfin-elucidee