Le gingembre mioga : il est beau, il est bon et il fait tout oublier.
Connaissez-vous le gingembre mioga ? C'est une plante vivace, rustique et comestible qui nous vient d’Extrême-Orient. Il est encore bien méconnu chez nous et pourtant, au 19e siècle, certains horticulteurs français et belges pensaient que c'était un légume d'avenir (6). Et puis, comme beaucoup d'autres, on l'a oublié. Dommage parce qu'il est très bon, très beau et très facile à cultiver. Je vais vous le présenter et ensuite, je vous raconterai quelques petites légendes à son propos. Je suis sûre que ça vous donnera envie d'en planter dans votre jardin.
Quand il a fallu supprimer la haie de buis autour du potager, je l'ai remplacée par toutes sortes de plantes comestibles. Le gingembre mioga s'y plait particulièrement bien.
C'est un gingembre, mais pas celui qu'on trouve dans les épiceries. Celui-ci est vivace. Il résiste aux pires hivers. En revanche, ce qu'il n'aime pas, c'est le soleil intense et une terre trop sèche. Celui-ci, par exemple, a bien mauvaise mine : un élagage récent l'a mis en pleine lumière. Je l'ai déterré pour le déplacer.
Ça me permet de vous montrer comment la plante est "construite" : un rhizome s'allonge horizontalement et donne naissance aux nouvelles feuilles. Celles-ci forment une sorte de tige. Dans de bonnes conditions, la plante s'étend rapidement. Le gros plant qui figure sur la première photo n'a que trois ans (dont un en pot !)
Le rhizome, comme vous pouvez le voir n'est pas très charnu. Il est comestible mais d'autres parties de la plante sont bien plus intéressantes. C'est surtout la toute jeune inflorescence, en forme de bulbe ou de gros bourgeon, qui est recherchée : elle apparait vers août-septembre au ras du sol. On en aperçoit une à droite sur la photo ci-dessous. Il faut déterrer un peu sa base pour la récolter.
Et on obtient ceci :
Ce "bourgeon" est constitué de bractées charnues et des futures fleurs (1). En cuisine, il est utilisé comme un condiment : coupé en petits morceaux dans une salade ou ajouté au moment de servir dans un plat de poulet ou de porc. Le goût est relevé mais moins piquant que le gingembre "classique". Les Japonais, qui l'apprécient beaucoup, en mettent dans les sushis, les cuisinent en pickles, etc... Je n'ai pas de recette à vous proposer : disons que je l'utilise plus ou moins comme de la ciboulette ou du persil, mais le goût est tout à fait différent.
Sur la photo ci-dessous, chaque petit rond blanc correspond à une fleur en formation.
Notez qu'on peut aussi faire blanchir les jeunes pousses au printemps mais je n'ai jamais essayé.
Autre curiosité : quand les fleurs apparaissent, l'effet est assez particulier car elles s'épanouissent à la surface du sol. Certains les comparent à des fleurs d'orchidées. Je vous laisse juger.
Selon la plupart des sites qui en parlent, ces fleurs sont stériles. Mais selon d'autres sources, elles forment des fruits et des graines (1). Je n'en ai jamais vu mais je vais ouvrir l’œil !
Cela dit, c'est surtout la variété chinoise à fleurs jaunes qui produit des fruits. La variété japonaise, à fleurs blanches, est stérile (1). J'ai bien peur de posséder la variété japonaise mais croyez bien que je vais me mettre en quête de sa variante chinoise ! (Help !)
Le gingembre mioga est surtout consommé au Japon. En Chine, il est plutôt considéré comme une plante médicinale. Mais vous savez que je n'aime pas trop m'aventurer sur ce terrain. Rassurez-vous cependant, il y a pas mal de petites anecdotes à raconter à son sujet.
Le gingembre mioga fait perdre la mémoire
En tout cas, c'est ce qu'on dit au japon. Selon Tom, une japonaise qui vit aux Etats-Unis et qui tient un blog intéressant (Recipes from Tom), les parents raconteraient ce bobard à leurs enfants pour qu'ils modèrent leur consommation de mioga : celui-ci aurait des propriétés "stimulantes". On les comprend !
A propos de l'effet "perte de mémoire" du mioga, une histoire semble très populaire :
Un certain Cuuda-pantaka (ou Ksudrapanthaka), disciple de Bouddha avait bien du mal avec le "par-cœur". Il n'arrivait à retenir aucun sutra. C'est déjà bien embêtant. Mais aussi, et c'est tout de même plus grave, le pauvre ne se souvenait même pas de son nom ! Cette situation ne devait pas être facile à vivre.
Bouddha lui avait donc permis de porter une petite étiquette avec son nom écrit dessus. Ce genre de petite étiquette s'appelle "myoga" au japon. C'était donc une sorte de plaisanterie de la part de Bouddha (mais pas méchante, parce qu'en vrai Bouddha, au lieu de se moquer du pauvre Cuuda-pantaka lui aurait confié un balais en lui demandant de s'en servir tout en récitant "je balaye la poussière, j'enlève la saleté"(5). Je vous laisse méditer là-dessus).
Après la mort de Cuuda-pantaka, dit-on, des gingembres mioga se sont mis à pousser en abondance près de sa tombe.(2)(4).
Une autre petite légende à propos des effets supposés du mioga sur la mémoire est bien amusante et fait penser à certains contes occidentaux (2)(4):
Un couple d'aubergistes reçut un jour la visite d'un riche client (très très riche). Il demanda une chambre et soupa à l'hôtel. Les patrons, se croyant malins, mélangèrent du myoga à son repas du soir en se disant que le client oublierait sa fortune à l'auberge en repartant le lendemain matin.
Le myoga eut bien l'effet escompté et le riche client repartit le lendemain matin en oubliant... de payer la note.
Moi j'aime bien ce genre d'histoire.
Cela dit, le mioga est tout à fait respecté, si pas vénéré, au Japon. Plusieurs festivals lui sont même consacrés (4). Son symbole figure dans les armoiries de plusieurs grandes familles. Voici un exemple, à gauche.
Encore une information qui me parait primordiale : si vous êtes possédé par l'esprit d'un renard (on ne sait jamais), il vous suffira de manger un peu de mioga pour vous en débarrasser. C'est tout simple... à condition que ce soit la saison. (4).
Allez, je commence à raconter n'importe quoi, il est temps de se quitter. A bientôt.
(1) RHS, Zingiber mioga and its cultivars, décembre 2014. URL : https://www.rhs.org.uk/about-the-rhs/publications/the-plant-review/2014-issues/december/zingiber-mioga-and-its-cultivars.pdf
(2)Recipes for Tom (blog), Myoga Japanese ginger buds, 2013-09-02. URL : http://recipesfortom.blogspot.com/2013/09/myoga-japanese-ginger-buds.html
(3) Mock Joya, Japan And Things Japanese, Routledge; 1 edition (April 29, 2016). Extraits consultables sur Google play .
(4)WASHOKU - Japanese Food Culture and Cuisine (blog), Myoga Japanese Ginger. URL : https://washokufood.blogspot.com/2009/04/myoga-japanese-ginger.html
(5) Sweep and Clean, Fo Guang Shan Musée du Bouddha, Stories of the Buddha. URL : http://www.fgsbmc.org.tw/en/TalesFables.aspx?TFNO=201512003
(6) M. Pailleux. , La Belgique horticole : Annales de botanique et d'horticulture, p.240. URL : https://archive.org/stream/labelgiquehortic33lige/labelgiquehortic33lige_djvu.txt